Eddy Caekelberghs

Elections: Moscou met la pagaille dans nos espaces démocratiques

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

On le sait, Moscou intervient dans les processus électoraux pour (peut-être) favoriser des résultats “amicaux”, mais (surtout) pour mettre la pagaille dans nos espaces démocratiques. Aux États-Unis, c’est manifestement fait, avec un Congrès mis au pas et une administration brutalisée, voire annihilée. Sans compter une presse de plus en plus servile, pour les titres qui survivent, à de rares exceptions. En Europe, les cas les plus récents sont la Roumanie et la Pologne. En Roumanie, où lors d’un premier tour électoral, c’était le candidat d’extrême droite George Simion qui arrivait largement en tête, très favorable à Moscou. Comme certains en Pologne, Orban en Hongrie, Fico en Slovaquie ou Le Pen en France. Pour ne citer que ces noms-là.

Soulagement en Roumanie, c’est le maire pro-européen de Bucarest, Nicusor Dan, qui l’emporte. En Pologne, au premier tour de la présidentielle, c’est le coude à coude entre le libéral Rafał Trzaskowski (31,4%) et son adversaire ultra-conservateur Karol Nawrocki (29,5%). Les populistes et l’extrême droite assumée arrivent derrière.

Ouf ? Pas vraiment. Parce que casser le thermomètre n’a jamais réduit la température. Donc il faut se poser des questions. Pourquoi les Européens votent-ils de plus en plus pour des conservateurs, voire des nationalistes ou des extrémistes ? De cela dépendent les diagnostics et les remèdes efficaces. En Roumanie, G4Media.ro (un blog pro-libéral conservateur) estime que le pays a échappé de justesse à un scénario extrémiste : “La peur de l’avenir a poussé les indécis et une partie des abstentionnistes à se rendre aux urnes. Même si Nicușor Dan ne leur plaisait pas en tant que candidat, ils ont voté pour écarter le risque que le pays ne tombe aux mains de George Simion et de son AUR. La peur de s’éloigner de la voie occidentale, la peur d’une sortie de l’UE, la peur d’une nouvelle dictature, la peur de la faillite économique – tout un faisceau de peurs – ont motivé beaucoup de personnes à voter.”

Mais les peurs subsistent. Les démons aussi. Cela ne dispense pas de réconcilier un pays fragmenté. “La mission du nouveau président s’annonce compliquée. Les forces modérées de droite et de gauche ont réussi à convaincre les électeurs de voter pour l’Union européenne, mais Dan ne doit pas oublier qu’il existe encore une part importante des citoyens, surtout ceux vivant dans les zones plus reculées et les plus isolées du pays, qui a exprimé ses critiques et son agacement vis-à-vis de l’Union. Dix-huit ans après l’adhésion de la Roumanie au projet européen, le pays est toujours considéré comme le havre d’une élite privilégiée. Le vent de la crise et du mécontentement continue de souffler sur la Roumanie après ces élections”, conclut La Stampa de Turin.

Les bots russes ont réussi leur coup : les deux candidats démocrates polonais ont fini par essayer de courtiser l’électorat d’extrême droite.

Et en Pologne, le combat pour la présidence est majeur : l’élection d’un conservateur du PiS (succédant au conservateur Duda) bloquerait par l’exercice du droit de veto présidentiel la Pologne en termes de coopération européenne. Or, Varsovie est devenue l’épicentre européen, n’en déplaise à Paris et Berlin.

Mais les bots russes ont réussi leur coup, en Pologne comme ailleurs : les deux candidats démocrates ont fini par essayer de courtiser l’électorat d’extrême droite. Ce que déplore l’influent quotidien Rzeczpospolita, qui met en garde : “C’est une écrasante victoire pour l’extrême droite et un signal d’alarme pour la démocratie polonaise.”, voire européenne. On fait quoi ?

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