Le nouveau plan de paix proposé par Donald Trump pour Gaza est d’abord un patchwork impressionnant de conditions, de promesses, d’esquisses institutionnelles et de feuilletons à épisodes. Mais que vaut la promesse d’un miracle lorsque la logique des armes demeure la garante des ultimes décisions ?
Sur le papier, les mesures phares semblent aussi ambitieuses que risquées : cessez-le-feu immédiat, retrait progressif de l’armée israélienne, libération simultanée d’otages et de prisonniers, zones de stabilisation sous supervision internationale, gouvernement temporaire excluant le Hamas et dirigé par un directoire technocratique placé sous la haute autorité d’un “Conseil de la paix” présidé par Donald Trump lui-même, assisté notamment de Tony Blair. L’idée d’une force internationale de stabilisation, la création d’une zone économique spéciale, un vaste plan de reconstruction inspiré des modèles d’urbanisme du Golfe, le tout sans déplacement forcé de population, s’inscrit dans une vision de modernisation fébrile, sinon orwellienne, de la bande de Gaza.
Mais ce plan ne prévoit ni calendrier strict pour la mise en œuvre des étapes ni garanties concrètes pour les transitions sensibles. La gouvernance technocratique promise, présentée comme apolitique mais portée par des experts venus d’ailleurs, apparaît déjà contestée par les Palestiniens : elle ressemble à une administration d’occupation en costume-cravate, dénuée d’ancrage populaire ou de légitimité historique.
L’intransigeance d’Israël sur le statut de Jérusalem et de la Cisjordanie demeure intacte, ce qui bloque la nouvelle implication arabe dans ce plan alors que la coalition internationale, appelée à garantir la sécurité et la reconstruction, peine à s’engager sans perspective politique sérieuse pour l’ensemble palestinien. La référence à la “déradicalisation”, au “désarmement complet” et à la création d’une “zone tampon de sécurité” ne fait que renforcer, dans l’esprit de la population gazaouie, l’idée d’une annexion maquillée.
La perspective d’une amnistie offerte aux membres du Hamas ayant rendu les armes, et d’un droit au départ sécurisé pour ceux souhaitant quitter Gaza, sonne comme une double injonction : rendre public son renoncement avant d’espérer la clémence, ou choisir l’exil. Dans ce contexte, qui peut croire à une société non perçue comme vassalisée ?
Le plan de Trump pour Gaza ne prévoit ni calendrier strict pour la mise en œuvre des étapes ni garanties concrètes pour les transitions sensibles.
Reste enfin l’impensé du temps : rien n’est dit sur la durée du gouvernement transitoire, sur les échéances de la normalisation, sur la nature des garanties internationales comme nationales. Les failles logistiques – absence de calendrier, risques d’obstruction, indécision sur les lots de contreparties – finissent de décourager les esprits lucides, tandis que les populations, israélienne comme palestinienne, s’épuisent dans une guerre qui leur a déjà tout coûté, espoir compris.
Adossé à la lassitude économique et psychologique d’Israël, et aux tensions brûlantes d’une région entière, ce plan porte en lui toutes les contradictions d’un projet pensé loin du terrain. Pour Netanyahou, accepter serait ouvrir la voie à sa propre chute ; pour le Hamas, y souscrire signifierait un suicide politique. Quant aux peuples concernés, ils continuent d’attendre, captifs d’un espoir sans calendrier, d’un miracle promis sans “tabernacle” pour l’accueillir.
En définitive, le plan Trump pour Gaza semble bien être cette grande architecture d’intentions où pas une pierre n’a, pour l’heure, touché la terre. À force d’ajourner le réel, il ajoute à la tragédie du lieu la mélancolie des solutions démenties au lever du jour. Le Nobel vaut mieux !