Cette semaine, les marchés obligataires ont offert un grand huit digne des montagnes russes. Pourquoi ? Parce que les taux d’intérêt des dettes publiques sont montés à des niveaux qu’on n’avait plus vus depuis des décennies… avant de redescendre un peu mercredi. Alors, simple pause ou vrai retour au calme ?
Regardons les chiffres. Au Japon, l’emprunt d’État à 30 ans a atteint un record absolu, plus de 3,2 %. Aux États-Unis, le 30 ans a frôlé la barre symbolique des 5 %. En Europe, la France n’est pas loin de ses niveaux de 2008, et le Royaume-Uni retrouve ses taux de… 1998 ! Quand on dit que l’histoire bégaye, c’est exactement ça.
Pourquoi un tel bond des taux d’intérêt ? La première raison est très simple : c’est la rentrée des classes… pour les États aussi. Après l’été, ils doivent emprunter massivement pour financer leurs budgets. Depuis lundi, plus de 100 milliards de dollars d’obligations ont été émis dans le monde. Pour filer une métaphore, imaginez une brocante où tout le monde met ses objets en vente en même temps : pour attirer l’acheteur, il faut baisser un peu le prix… ou, dans le cas des obligations d’État, relever le taux d’intérêt.
Mais ce serait trop simple de s’arrêter là. Car si les investisseurs réclament plus de rendement, ce n’est pas seulement à cause de l’embouteillage du mois de septembre. C’est aussi parce qu’ils doutent de la discipline budgétaire des gouvernements. Aux États-Unis, les déficits explosent, et cela inquiète les investisseurs. En France, l’instabilité politique jette une ombre sur la capacité à réformer et donc à diminuer la dette publique. Au Royaume-Uni, le gouvernement n’arrive pas à convaincre qu’il maîtrise vraiment ses finances. Résultat : les investisseurs haussent les sourcils… et les taux d’intérêt.
Mais derrière ces mouvements, il y a une conséquence très concrète pour vous et moi. Quand l’État paie plus cher pour se financer, cela veut dire qu’il a moins d’argent pour autre chose : l’école, la santé, les infrastructures. Cela veut aussi dire que, mécaniquement, les taux des crédits bancaires suivent la même trajectoire : immobilier, consommation, prêts aux entreprises… tout devient ou va devenir plus cher.
Et n’oublions pas un dernier élément : l’inflation. Elle reste forte, surtout aux États-Unis. Et l’inflation, c’est le poison des obligations : si vous prêtez à 3 % mais que les prix augmentent de 4 %, vous perdez en réalité 1 %. Voilà pourquoi les investisseurs se détournent des dettes longues.
Alors, mercredi, on a vu les taux redescendre un peu. Mais attention : cela ne veut pas forcément dire que la tempête est passée. C’est peut-être juste l’œil du cyclone. Car le message des marchés est limpide : les États ne peuvent plus s’endetter comme si de rien n’était. La complaisance budgétaire a un prix, et ce prix, ce sont des taux d’intérêt qui s’envolent.
Pour le citoyen, cela veut dire une chose simple : nous entrons dans une nouvelle époque. Finie l’argent gratuit. Les dettes coûtent cher, les crédits coûtent cher, et ce coût finira toujours par retomber, d’une façon ou d’une autre, sur vous et moi.