L’intelligence artificielle, une vague migratoire invisible ?
Dans Nexus, Yuval Noah Harari compare l’impact potentiel de l’IA à une vague migratoire capable de bouleverser emplois et modes de vie. Pourtant, ce sujet crucial reste absent des priorités politiques et du débat public.
Ce vendredi est l’occasion de vous proposer une piste de lecture pour le week-end : Nexus, le dernier livre de l’historien israélien Yuval Noah Harari. Cet ouvrage permet de prendre du recul sur l’actualité immédiate pour s’intéresser à un sujet d’une importance capitale, mais souvent délaissé : l’intelligence artificielle (IA).
Alors que les préoccupations du moment tournent autour de la politique de Donald Trump et de la réponse de l’Europe face à sa guerre commerciale, Harari nous rappelle que l’IA est “l’éléphant dans la pièce” qui mérite toute notre attention. Pourtant celle-ci est largement absente des discours politiques.
Cela peut s’expliquer : les dangers liés à l’IA semblent lointains, tout comme ceux du réchauffement climatique. Malheureusement, ce qui est perçu comme éloigné de nous paraît souvent sans urgence. Une perception trompeuse, bien entendu. Avec son art de la pédagogie, Harari montre que l’IA représente la première technologie qui n’est pas un simple outil, mais un véritable agent. La différence est de taille : les précédentes révolutions technologiques – imprimerie, poudre à canon, radio ou bombe atomique – conféraient aux humains de nouveaux pouvoirs tout en laissant aux hommes le choix de leur utilisation.
En revanche, avec l’IA, nous cédons une part de contrôle : l’IA peut prendre des décisions sans notre aval. À ce sujet, il suffit de penser aux algorithmes des réseaux sociaux qui sélectionnent pour nous les contenus que nous allons voir ensuite ; les créateurs de TikTok, par exemple, maîtrisent cet art à la perfection. Harari rappelle que, même dans la guerre actuelle au Moyen-Orient, l’IA joue un rôle stratégique. C’est de plus en plus elle qui choisit la cible à bombarder.
Une force jamais connue auparavant dans l’histoire humaine
Vous l’avez compris, l’IA est une force jamais connue auparavant dans l’histoire humaine, avec des aspects ultras positifs, mais aussi ultras négatifs. Mais voilà, les politiques et le grand public restent passifs face aux questions et dangers liés à un éventuel usage maléfique de l’IA. D’après Yuval Noah Harari, cette absence de réaction populaire s’explique parce que le danger est encore lointain, mais aussi parce que les politiques savent que les électeurs ne sont intéressés que par le court terme. Les citoyens disent tous et toutes qu’ils veulent voter pour des hommes d’Etat, mais dans l’isoloir, ils votent pour celui ou celle qui règlent ou croient régler leurs problèmes de très court terme.
Pour sensibiliser le public, Harari a observé qu’aux États-Unis comme en Europe, la peur principale exploitée par les partis populistes est celle de l’immigration. Qu’elle soit réelle ou imaginaire, les gens qui votent pour ces partis ont peur de perdre leur job et la peur de voir ces migrants changer leur société et leurs traditions. Or, souligne Harari, c’est exactement ce que va faire l’IA. Pour réveiller les foules, les politiques devraient leur expliquer l’IA comme une vague immense d’immigration. Des millions de migrants IA, mais qui viendraient de Californie prendre nos boulots et en plus, avec des idées très différentes des nôtres. Mais pour l’heure, nos dirigeants restent absents de ce débat, sans doute parce que celui-ci n’est pas encore “rentable”. Nos politiques, semble-t-il, sont encore en période d’essai ; espérons qu’ils décrochent bientôt leur CDI !
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