Olivier Mouton

L’insupportable marchandage

Officiellement, le PS n’est pas demandeur d’une réforme de l’Etat après le scrutin du 9 juin 2024. “On va tout faire pour éviter la N-VA, répétait fin juin son président, Paul Magnette. On ne parlera pas du confédéralisme, c’est clair.” Le numéro un socialiste rêve d’être Premier ministre et veut former la majorité “la plus progressiste possible”. La N-VA tient un discours bien trop à droite: horreur. Le PS continue sa course à l’échalote avec le PTB. Mais est-il vraiment sincère?

Dans la torpeur d’août, un député fédéral socialiste abat les cartes d’une autre manière. Malik Ben Achour dit à L’Echo: “Je ne suis pas hostile à une grande réforme institutionnelle qui permette aux Flamands de gagner l’autonomie qu’ils réclament. Dans ce cas-là, elle peut servir à un grand mouvement de redéploiement économique de Bruxelles et de la Wallonie sur base d’un projet profond de réindustrialisation”. Précision utile: Malik Ben Achour n’est pas un second couteau, il a été au front pour le PS dans la crise des visas iraniens, pour réclamer le départ de la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR). Sa voix compte.

Ce marchandage “autonomie flamande contre argent aux francophones” est la dramatique toile de fond de nos réformes de l’Etat consécutives.

Si la N-VA devient le premier parti “acceptable” en Flandre, derrière le Vlaams Belang, et si le PS reste fort du côté francophone, les deux formations devront se parler. Or, les seuls termes possibles d’une telle négociation seraient: de l’argent pour les francophones contre de l’autonomie pour la Flandre, avec quelques accents de gauche dans la politique fédérale. C’était l’essence de la note rédigée au cours de l’été 2020 par Paul Magnette et Bart De Wever. Cet accord, très avancé avant d’être suppléé par la Vivaldi suite à la fronde MR-Ecolo, pourrait ressortir des tiroirs.

Spirale infernale

Ce marchandage “autonomie contre argent” est la dramatique toile de fond de nos réformes de l’Etat consécutives. C’est le fruit de l’incapacité chronique de la Wallonie et de Bruxelles à se redresser économiquement. C’est aussi la conséquence de l’impréparation des partis francophones aux échéances institutionnelles, par déni et par division. Aujourd’hui encore, les deux principaux partis du sud, PS et MR, se regardent en chiens de faïence. Les libéraux de Georges-Louis Bouchez misent, eux, sur une redite de la Suédoise de Charles Michel (2014-2019): une coalition avec la N-VA, sans réforme de l’Etat et… sans PS. Un fameux pari car le nationalisme flamand rêve d’un tournant structurel: le confédéralisme.

Les francophones, PS en tête, doivent sortir de cette spirale infernale consistant à échanger des compétences contre de l’argent, dénonce François De Smet, président de DéFi. C’est l’application pure et simple de la doctrine Maddens (du nom du politologue de la KU Leuven inspirant en ce sens le nationalisme flamand, Ndlr). Il faut au contraire gérer avec sérieux et rigueur nos entités pour ne plus jamais être demandeurs. L’avenir du pays passe par l’assainissement de nos deux Régions et de notre Fédération. Pas par un énième détricotage de l’Etat fédéral.”

Voilà l’enjeu: il faut mettre les institutions francophones en ordre de marche, redresser le budget et relancer l’économie. Certes, les circonstances n’ont pas aidé (covid, Ukraine, inondations en Wallonie) mais cette législature s’apparente à une nouvelle occasion perdue, tant pour la relance francophone que pour les réformes fédérales. A force de prétendre sauver la solidarité nationale mais en refusant de réformer le système, le PS trompe les Belges francophones, pour mieux les rassurer. Avec le risque ensuite de devoir nouer un pacte avec ce diable qu’il dénonce.

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