Philippe Ledent
L’inflation est maîtrisée mais… elle remonte
Cela ne vous aura probablement pas échappé, l’inflation a légèrement augmenté en Belgique en novembre. Elle est passée de 0,4% en octobre à 0,8% selon la définition belge, et de -1,7% à -0,7% selon la définition européenne. De nouvelles tensions inflationnistes seraient-elles en train d’émerger ? En fait… pas du tout. L’inflation va probablement continuer à remonter dans les prochains mois, mais cela ne sera pas le signe de nouvelles tensions. Cela demande un petit mot d’explication.
Avant tout, précisons que l’inflation se définit comme la croissance sur un an des prix à la consommation. Ces derniers portent sur un ensemble de plus de 250 catégories de biens et services. Le type de biens et de services et la façon dont leur prix est pris en compte dans le calcul de l’inflation peut différer selon l’institution qui la calcule. C’est pourquoi le chiffre de Statbel (belge) et d’Eurostat (européen) diffèrent. Une inflation de 0,8% en novembre signifie qu’entre novembre 2022 et novembre 2023, le prix d’un panier de biens et services représentatif de la consommation moyenne des Belges a augmenté de 0,8%.
Derrière cette remontée, il faudra surtout surveiller l’évolution de l’inflation sous-jacente, qui sera un meilleur reflet de la persistance ou non de pressions inflationnistes.
L’inflation a dépassé 12% en octobre 2022, avant de plonger pour revenir récemment à un niveau proche de zéro. Ces énormes fluctuations sont essentiellement liées aux évolutions des prix de l’énergie. Voyez plutôt : en raison de la crise sur le marché du gaz en Europe à l’été 2022, le prix de la facture de gaz était, selon les relevés de Statbel, en hausse de près de 130% sur un an à l’automne 2022. Mais heureusement, la capacité de l’Europe à se détacher du gaz russe a calmé le marché et les prix ont chuté. En octobre 2023, la facture de gaz était en diminution de 76% sur un an et celle d’électricité de plus de 50%. Ces deux dépenses ne représentent que moins de 8% de l’ensemble des dépenses annuelles des Belges, mais leur drastique diminution suffit à tirer l’inflation vers le bas, au point de la rendre proche de zéro. Par contre, en excluant l’évolution des prix de l’énergie, l’inflation “sous-jacente” comme on dit dans le jargon économique, est encore supérieure à 5%. Autrement dit, les fortes diminutions des prix de l’énergie arrivent à compenser toutes les hausses persistantes de prix des autres biens et services.
L’évolution de l’inflation en novembre a alors été particulièrement intéressante. D’une part, l’inflation des prix de l’énergie a été moins négative qu’en octobre. Dans le cas de la facture de gaz, on est par exemple passé de -76% à -70%. Dès lors, les prix de l’énergie ont moins tiré l’inflation vers le bas. Par contre, et c’est peut-être le plus important, l’inflation sous-jacente a continué de baisser, les pressions inflationnistes se faisant clairement moins nombreuses. Mais l’effet haussier sur l’inflation des prix de l’énergie a été le plus fort, ce qui explique que l’inflation soit remontée.
Il faudra probablement s’y habituer : dans les prochains mois, la capacité des prix de l’énergie à tirer l’inflation vers le bas va diminuer, tout simplement parce qu’il y a un an, les prix de l’énergie étaient en forte baisse. L’inflation va donc poursuivre sa remontée, et ce d’autant plus que les factures de gaz et d’électricité étaient abaissées temporairement il y a un an par une série de mesures gouvernementales, qui n’existent plus aujourd’hui. Mais derrière cette remontée de l’inflation, il faudra surtout surveiller l’évolution de l’inflation sous-jacente, qui sera un meilleur reflet de la persistance ou non de pressions inflationnistes. Et selon toute vraisemblance, celle-ci devrait continuer de baisser, ce qui sera la meilleure preuve que la vague d’inflation est maîtrisée.
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