Amid Faljaoui

L’Europe face au choc de Doha : un missile dans sa chaudière

Depuis la guerre en Ukraine, l’Europe a réorganisé en urgence son énergie. Exit le gaz russe, place au gaz Qatari notamment. La plupart des capitals européennes ont signé des contrats de long terme avec Doha, en pariant sur sa stabilité. Et voilà qu’un soir de septembre, hier donc, cette stabilité s’est envolée en fumée : Israël a frappé une villa de Doha, visant des dirigeants du Hamas.

Les images ont fait le tour du monde. Mais en Europe, elles devraient surtout réveiller une angoisse à laquelle personne ou presque ne pense: que vaut la sécurité énergétique quand votre principal fournisseur n’est pas intouchable ? Car le Qatar n’est pas un État secondaire. C’est l’un des premiers exportateurs mondiaux de GNL, et c’est désormais la béquille de l’Europe depuis qu’elle s’est coupée de Moscou.

Les marchés, eux, n’ont pas paniqué. Le pétrole a bondi, puis s’est calmé. Le gaz n’a pas flambé. Les cargos continuent de partir. Mais le vrai signal est ailleurs : si Israël peut frapper Doha, capitale alliée des États-Unis, alors le nouvel équilibre énergétique européen repose sur des fondations fragiles. Pas de crise immédiate, mais un doute qui s’installe.

Et ce doute change tout. L’Europe s’imaginait sécurisée par des contrats de 20 ans et par la présence de l’armée américaine au Qatar. Or la frappe de ce 9 septembre rappelle que la protection militaire américaine n’empêche pas la vulnérabilité. Les pipelines russes ont été remplacés par des cargos qataris, mais le risque reste le même : dépendre d’une région où la guerre traverse les frontières.

Une claque, une humiliation

Pour le Golfe, c’est une claque et une humiliation. Le Qatar voulait être le « Singapour du désert » : riche, stable, respecté comme médiateur. Souvenez-vous du Boeing qu’a même offert le Qatar à Donald Trump. Quant à l’Arabie saoudite, elle mise son avenir sur Vision 2030, son plan de diversification de son économie pour la période post-pétrole, et les Émirats – eux – misent sur Dubaï comme hub financier et touristique. Mais si même Doha est une cible, comment convaincre les investisseurs que Riyad ou Abou Dhabi sont hors de danger ?

Et Israël ? Son économie souffre, mais elle n’est pas à terre. Le chômage reste bas, la tech tient, et l’aide américaine agit comme un amortisseur. En réalité, la frappe sur Doha ne fragilise pas seulement les pays du Golfe, elle mine pas seulement leur confiance envers les Etats-Unis, elle fragilise aussi l’Europe. Car en attaquant la capitale de son fournisseur en gaz naturel, Israël rappelle aux Européens que leur transition énergétique repose sur un terrain miné.

Alors que faut-il retenir ? Pas que les prix ont flambé, et d’ailleurs au moment où je vous parle, ils ne l’ont pas fait. Mais que la dépendance européenne au gaz qatari vient de perdre son vernis de sécurité.

En résumé: ce n’est pas seulement une villa qui a été détruite. Mais que la confiance, cet actif invisible qui soutient les contrats de gaz, les fonds souverains et les mégaprojets de diversification, peut être pulvérisé par un seul missile.  

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