Philippe Ledent

L’Europe, encore et toujours à la croisée des chemins

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

Les indicateurs PMI de janvier pour la zone euro ont été publiés la semaine dernière et étaient légèrement meilleurs que prévu. Pour rappel, ces indicateurs mesurent la confiance des entreprises dans les quatre grandes économies de la zone euro, et ce, dans les secteurs des services et de l’industrie. Les résultats de janvier restent faibles, particulièrement dans l’industrie. Mais le léger rebond observé dans les deux grands secteurs de l’économie donne au moins l’espoir que la situation conjoncturelle ne se dégrade pas davantage.

La publication d’un indicateur un peu meilleur que prévu ne suffit évidemment pas à effacer les craintes vis-à-vis de l’économie européenne. La conjoncture reste faible, et les problèmes structurels ne permettent pas d’entrevoir une réelle amélioration à court terme. Bref, après deux années marquées par une croissance lente, une inflation pas tout à fait maîtrisée, des finances publiques détériorées dans certains États membres et une situation politique tendue dans d’autres (parfois les mêmes d’ailleurs), l’Europe est une fois encore à la croisée des chemins.

Au cours des 15 dernières années, l’Europe a connu bien d’autres moments décisifs. Pensez à ces réunions d’urgence au cours de plusieurs week-ends des dirigeants européens pendant la crise de l’euro. La survie de la zone euro en était bien l’enjeu. Le Brexit, la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont également été des moments décisifs pour l’Europe.

2025 a commencé sur une base faible et avec le sentiment étrange que la croissance pourrait à nouveau être décevante.

La bonne nouvelle, c’est que l’Europe est toujours là. Quant à savoir si elle est toujours là, plus forte que jamais, c’est une toute autre histoire. Pour la première fois depuis la fin de la pandémie, l’Europe ne commence pas l’année avec l’espoir d’une reprise au moins conjoncturelle. Au lieu de cela, 2025 a commencé sur une base faible et avec le sentiment étrange que la croissance pourrait à nouveau être décevante. Des indicateurs PMI en légère hausse n’y changent pas grand-chose.

C’est d’autant plus vrai que la liste des risques potentiels est longue. Les tarifs douaniers et les politiques industrielles de la nouvelle administration américaine constituent un risque à court et à long terme pour l’économie de la zone euro. Les réductions d’impôts, la déréglementation et la baisse des prix de l’énergie aux États-Unis pourraient cannibaliser structurellement la croissance européenne. Mais ce n’est pas tout. Avec un gouvernement plus que fragile en France et la perspective d’élections en Allemagne, l’incertitude politique dans les deux plus grandes économies européennes devrait peser sur le sentiment de confiance et la croissance, au moins au cours des premiers mois de l’année. En d’autres termes, le second mandat de Donald Trump intervient à un moment où l’économie européenne est en bien moins bonne posture qu’il y a huit ans. À l’époque, l’Europe n’avait pas de guerre à ses portes, ni de problème de compétitivité et d’énergie, et la Chine était encore une destination d’exportation florissante et non un rival.

Un haussement d’épaules complaisant ou une réaction instinctive à n’importe quel bruit provenant de la Maison Blanche ne suffiront pas. L’Europe doit reprendre son destin en main. Le rapport de Mario Draghi lui a déjà fourni une feuille de route limpide : accroître les investissements dans les infrastructures, la numérisation, l’éducation et la défense. Réduire la bureaucratie et intensifier la coopération et l’intégration transfrontalières dans des domaines clés tels que l’énergie, les télécoms et bien d’autres encore. Cela ne peut pas se faire en quelques semaines ou quelques mois. L’année 2025 est donc un moment décisif pour l’Europe.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content