Amid Faljaoui
Les journalistes bientôt remplacés par l’IA ?
Et si nous terminions la semaine sur une interrogation importante et même vitale pour nos démocraties ? Aura-t-on encore besoin des journalistes pour faire leur métier de journaliste ?
Posée de la sorte, la question semble saugrenue. Pourtant, le petit monde des journalistes a été secoué, il y a quelques jours, quand ils ont découvert l’apparition d’une présentatrice virtuelle, pendant 13 secondes, sur le site Twitter d’un journal koweïtien : elle était blonde, aux yeux clairs, vêtue d’un T-shirt blanc à col V, recouvert d’une veste noire et a prononcé ces quelques mots en arabe : « Je suis Fedha, la première présentatrice au Koweït qui travaille avec l’intelligence artificielle à Kuwait News. Quel genre d’actualités préférez-vous ? Écoutons vos opinions ».
J’ai regardé ce passage, c’est évidemment bluffant. Le visage est ultra-réaliste, c’est le résultat d’un amalgame de plusieurs visages réels et le rédacteur en chef de ce site d’informations koweïtien nous dit que ce n’est qu’un début et que cette présentatrice virtuelle pourra demain parler en dialecte koweïtien (parlé par les 4 millions d’habitants de cette monarchie pétrolière).
Pour le moment, on ne sait pas si c’est un coup de com’ ou une vraie avancée en matière d’intelligence artificielle. Autrement dit, on ne sait pas si cette présentatrice virtuelle va lire un texte écrit et documenté par des humains ou si elle va d’elle-même chercher l’information du jour, la trier, la hiérarchiser, la vérifier et puis la présenter sur antenne. Ce qui n’est pas la même chose que de juste réciter un texte réalisé par autrui.
On ne sait pas si c’est un coup de com’ ou une vraie avancée en matière d’intelligence artificielle
Mais il n’empêche, cette présentatrice virtuelle a rappelé aux journalistes qu’eux aussi pouvaient être remplacés demain par une intelligence artificielle. Je connais bien le secteur, et c’est un tremblement de terre pour les journalistes, car bien souvent, autant ils sont bons, voire excellents, pour prédire ce qui va se passer pour les autres, autant lorsqu’il s’agit de leur profession, c’est parfois la méthode Couée. Les uns se rassurent en se disant que c’est juste un coup de com’, les autres en se disant qu’une présentatrice virtuelle parle comme un robot, qu’elle n’aura pas d’humour, de fous rires ou de coups de gueule; bref, tout ce qui fait la spécificité d’un être humain. Et les autres plus cyniques se diront que c’est le rêve des propriétaires de chaînes de télévision qui est en train de se réaliser. La raison ? La présentatrice virtuelle ne sera jamais fatiguée, elle n’aura pas de congé maladie, pas de congé maternité, elle ne fera pas grève, elle pourra même écrire pour les réseaux sociaux pendant ses pauses et elle ne demandera pas un bonus ou un 13e mois. Bref, le rêve ou le cauchemar absolu, selon que l’on est journaliste ou propriétaire de chaîne de télévision.
En fait, ce coup médiatique de ce journal koweïtien rappelle aussi aux journalistes du monde que leur profession n’est pas à l’abri d’un immense big bang. Mais ce n’est pas nouveau, plusieurs journaux anglo-saxons font déjà appel à l’intelligence artificielle pour rédiger des articles liés à des résultats de matchs de foot ou liés aux résultats d’entreprises cotées en Bourse. Il y a quelques semaines, l’un des plus importants groupes médias européens en presse écrite, le groupe Axel Springer, a annoncé qu’à l’avenir, il travaillera avec moins de journalistes, car certaines tâches sans grande valeur ajoutée seront réalisées par l’IA. Les journalistes qui resteront seront ceux qui iront chercher des scoops ou faire de l’information sur le terrain, ce que l’IA ne pourra pas faire.
Oui, la profession de journaliste est, elle aussi, en train de s’interroger sur son avenir. Et c’est un exercice pas simple !
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