Amid Faljaoui

Les fausses promesses de l’IA et la question du temps libéré pour les salariés 

L’intelligence artificielle est supposée nous faire gagner du temps. Et c’est vrai qu’elle nous en fait gagner pas mal pour ceux et celles qui, comme moi, l’utilisent assez régulièrement. Donc l’une des questions qui va se poser bientôt aux dirigeants d’entreprises, c’est que faire du temps gagné par les salariés ? Les politiques diront que c’est l’occasion pour enfin appliquer le fameux rêve de la semaine des 4 jours à salaire inchangé. Et certains patrons peuvent embrayer sur ce raisonnement en se disant, ben oui, pourquoi ne pas rendre ce gain de productivité aux salariés pour assouplir leur temps de travail et leur permettre un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. C’est le genre d’argument qui plait beaucoup auprès des jeunes générations qui, disent-elles, ne veulent pas perdre leur vie à la gagner comme l’ont fait leurs ainés – c’est-à-dire leurs parents.

Mais la question à se poser, c’est : est-ce que la réduction du temps de travail est la seule réponse à donner à ce gain de temps gagné par les salariés ? Non, pas nécessairement : on sait aussi que les salariés cherchent du sens dans leur job, une raison d’être comme on dit aujourd’hui. Et donc, la vraie question à se poser, c’est : ne faut-il pas chercher une solution qui profite à la fois aux salariés, mais également à l’entreprise et pourquoi pas, à la société dans son ensemble ? On pourrait imaginer que le temps gagné grâce à l’intelligence artificielle soit consacré à des tâches ou des travaux à plus grande valeur ajoutée.

Prenez le cas du service des ressources humaines d’une grande entreprise par exemple. Si l’intelligence artificielle décharge les salariés de ce département de pas mal de procédures qui seront automatisées, le gain de temps pourrait servir à passer plus de temps avec les candidats à un poste ou passer plus de temps aux côtés des managers de l’entreprise comme le font remarquer Les Echos. Ou on pourrait aussi imaginer que ce temps gagné sert à former les plus jeunes – autrement dit, à faire du mentorat.

On pourrait également imaginer consacrer ce temps libéré à concrétiser des missions sociétales et/ou environnementales qui tiennent cœur à l’entreprise – tout cela est sans doute plus intéressant pour la collectivité que de simplement réduire le temps de travail des salariés concernés. Mais bon, cette interrogation, même si elle percole déjà en entreprise, reste encore théorique.

Car, et c’est étonnant en soi, pour l’instant, il y a un doute qui s’installe petit à petit sur l’intelligence artificielle. Alors que toute le monde a cru aux promesses de l’IA, que tout le monde a cru que l’IA était magique et pouvait tout faire, les études se suivent et s’enchainent et montrent qu’on a peut-être surestimé la vitesse d’adoption de l’intelligence artificielle. Si la technologie avance à une vitesse exponentielle, ce n’est pas le cas des entreprises, car transformer l’organisation d’une entreprise pour l’adapter à l’IA prend du temps. Ah, ce fameux capital humain, pas aussi malléable qu’on le voudrait !

Et puis, surtout, les résultats des grandes entreprises technologiques américaines montrent que des investissements colossaux ont été faits, mais que les résultats financiers ne sont pas à la hauteur de ces investissements. Et Yann Le Cun, l’un des plus grands spécialistes de l’IA au niveau mondial se pose même la question de savoir si le succès de l’IA viendra assez vite pour justifier les dépenses actuelles. C’est vrai qu’on a beaucoup comparé l’IA à l’arrivée de l’électricité dans nos sociétés, mais l’IA tarde pour l’instant à se transformer en «machine à cash». La preuve ? OpenAI, la maison mère de ChatGPT devrait perdre 5 milliards de dollars cette année. Mais bon, il parait que la persévérance troue le marbre !  

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