Eddy Caekelberghs
Les deux visages de l’année
Un coup d’œil sur l’année qui se termine ? Le mot “guerre” à la bouche. Celle en Ukraine, qui s’enlise. Celle du Proche-Orient qui attise. Celle des cybermondes qui prend de plus en plus d’ampleur…
Et avec elles ? Le cortège des peurs irrationnelles, des vieux démons et des manipulations. Résultat ? Toujours plus de caméras de rue, de reconnaissance faciale, d’intrusions informatiques. Avec ce virage marqué vers une société du contrôle social où la fin voulue du cash et l’obsession du respect de la norme associée à l’informatisation de la santé, de l’assurance, du commerce et de tous les autres paramètres nous ont fait entrer dans l’ère du Big Data. Avec la généralisation annoncée de l’intelligence artificielle en première ligne juridique, médicale, assurantielle et j’en passe… Et, à nouveau, ce cancer antisémite qui ronge nos intelligentsias.
C’est la défaite de la raison au profit du règne de la peur, du déni de droit, des fake news.
Avec cette phobie du migrant aussi, cet Autre refusé. Alors on bâtit des murs ici que l’on déplore là-bas. Alors on vote – à gauche comme au centre – en picorant dans l’escarcelle de l’extrême droite comme en France. Et comme le constate à Rome le Corriere della Sera: “Il s’agit aussi du renoncement à une certaine idée de la France : le pays du droit d’asile, la patrie des droits de l’homme, la fille aînée aussi bien de l’Eglise catholique que de la Raison. (…) Un simple mythe, peut-être. (…) Mais l’histoire des nations se construit aussi sur des mythes.”
C’est la défaite de la raison au profit du règne de la peur, du déni de droit, des fake news. Rudolf Balmer, correspondant du quotidien allemand Tageszeitung à Paris, évoque un séisme idéologique: “On a assisté à la formation, de facto, d’un arc politique allant du centre macroniste aux lepénistes en passant par la droite conservatrice. Un arc que Macron a cautionné, voire orchestré en coulisses, donnant à voir un opportunisme sans limites et sans principes. Macron doit en partie son élection en 2017 et sa réélection en 2022 aux voix d’électeurs de gauche auxquels il avait assuré vouloir être un rempart à l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Aujourd‘hui, c’est lui qui lui ouvre la porte.”
Et l’année est électorale partout. Aux Etats-Unis où Trump se révèle à la fois dangereux et provoquant un séisme constitutionnel avec l’interdiction qui lui est faite par la Cour suprême du Colorado de se présenter à la présidentielle dans cet Etat. Une première. Subversive. Matrice de soulèvements possibles.
Elections en Russie, en mars. Poutine qui se dit “poussé” ou “sollicité” à se représenter. Risible tant le résultat est déjà connu. Mais on perd dans le même temps toute trace de l’opposant Navalny, “disparu” de son camp d’internement. Elections en Ukraine, où l’entourage de Zelensky grince des dents sur fond de guerre et de fronts qui pataugent. Elections probables en Israël sur fond de guerre avec le Hamas ; Israël violé de l’extérieur par le terrorisme du Hamas et de l’intérieur par un Premier ministre moralement et politiquement corrompu. Elections en Union européenne où la nécessité d’anticiper un lâchage américain de la défense commune et la nécessité d’une réforme institutionnelle ne s’appliquent pour l’instant qu’au renforcement d’une politique “migratoire” indigne et populiste.
On nous promettra tout dans l’année qui vient, tout. Parce que les élections sollicitent les promesses en tous genres. Mais ces promesses n’engageront que celles et ceux qui y croiront. Bonne année… malgré tout !
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