Amid Faljaoui

Les Belges, leurs 3 peurs et le nouveau « triangle des Bermudes »

En Belgique, la campagne électorale a démarré. Chacun essaie de trouver sa place auprès d’une opinion publique de plus en plus individualisée, de plus en plus morcelée.

Le Belge moyen, pas plus que le Français moyen, n’existe plus en effet. D’abord, parce que ce terme dérangeait l’opinion publique : qui a en effet envie d’être associé au « Belge moyen » ? Personne !

Et puis, l’expression n’a plus aucun sens aujourd’hui avec les réseaux sociaux et l’individualisme qu’il a généré. D’ailleurs, même la publicité numérique est aujourd’hui personnalisée. Le métier, ou plutôt la vocation politique, est désormais très difficile à exercer aujourd’hui. Avant, il y avait quelques blocs assez lisibles et des frontières relativement étanches au sein de l’opinion publique. Mais, aujourd’hui avec l’atomisation de notre société, tenter de comprendre l’opinion de chaque individu ne sera pas une promenade de santé.

En fait, c’est un triste constat, mais les algorithmes connaissent mieux les désirs et les souhaits des électeurs que nos politiques. Et d’ailleurs, les politiques le savent bien, il n’y a qu’à regarder comment en Belgique, on interdit aux fonctionnaires d’utiliser l’application TikTok soupçonnée d’être aux ordres du gouvernement chinois. Et comment, de l’autre – avec leur smartphone privé – ces mêmes politiques belges qui interdisent aux fonctionnaires de regarder TikTok se mettent en scène quotidiennement sur ce réseau social chinois.

Normal, ils ne sont pas fous nos politiques, ni schizophrènes, ils sont justes pragmatiques, ils vont là où va la jeunesse et une bonne partie de leur électorat. Je ne suis pas politologue sinon ça se saurait. Mais, à l’instar de Dominique Moisi, l’un des meilleurs connaisseurs des turbulences de ce monde, j’ai l’impression que les politiques qui veulent durer doivent au moins comprendre que nos concitoyens en Europe et à des degrés divers font face à 3 peurs en ce moment. La première, c’est la peur de l’autre, de l’immigré. Ce sont les images de la crise migratoire sur l’ile de Lampedusa et la peur exprimée par certains européens de voir sur cet île l’amorce d’un grand remplacement qui se déroulerait plus tard. En tout cas, c’est la thèse que développent déjà des partis populistes avec plus ou moins de succès, c’est la peur de perdre le contrôle sur son territoire et sur son identité. Première peur, à laquelle nos politiques devront donner une réponse rassurante et responsable.

La deuxième peur, souvent véhiculée par les plus jeunes – ce qui est normal, ils vont habiter cette planète plus longtemps que leurs parents – c’est la peur des incendies et des inondations. C’est la peur climatique et surtout la peur de voir comme l’a joliment dit Al Gore, l’ancien vice-président des Etats-Unis, que les géants pétroliers ont plus de contrôle sur nos politiciens que sur les émissions de CO2. Al Gore faisait allusion au fait que le nouveau premier ministre britannique venait de reporter, il y a quelques jours à peine, les engagements de son pays en matière de décarbonation.  

La troisième peur épinglée par Dominique Moisi, c’est la peur de l’intelligence artificielle. La première peur portait sur ce que les partis d’extrême droite appellent le « grand remplacement », autrement dit, le remplacement de l’homme blanc par des immigrés du sud.  Ici, c’est la peur du grand remplacement de l’homme par la machine. Comme l’écrit joliment Dominique Moisi chez mes confrères des ECHOS, ces 3 peurs forment une sorte de triangle des émotions, un triangle aussi dangereux pour la stabilité du monde que le fameux « triangle des Bermudes » pour la navigation maritime. Ce que les politiques doivent éviter mais absolument éviter c’est que le citoyen – lorsqu’il sera appelé aux urnes – ne réponde comme l’écrivain Michel Houellebecq à la question : à quoi ressemblera demain ? « Ce sera le même monde, en pire ! »  

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