Amid Faljaoui
Les banques sont-elles devenues immortelles ?
La panique bancaire du début de l’année semble être déjà loin. Ne serait-ce que parce que dans notre monde de surinformation, une info chasse l’autre sans qu’on ait pris la peine de savoir si on a bien compris ce qui se passait.
Or, justement, si nous n’en parlons plus en Europe, cette panique bancaire fait encore la UNE des médias américains. Là aussi, parce qu’une banque régionale, comme la First Republic Bank, a de très grosses difficultés en ce moment. On découvre qu’elle fait face à une véritable fuite de ses clients : plus de 100 milliards de dollars ont été retirés de cette banque rien que sur le premier trimestre 2023. Le résultat, c’est que cette semaine, le cours de Bourse de cette banque a dévissé de 50% en une seule journée.
Mais où va l’argent de ces déposants ? Il va vers d’autres banques, plus grandes et donc supposées être plus solides. Autrement dit, après les 3 faillites bancaires de ce début d’année aux États-Unis, notamment des banques spécialisées dans les cryptomonnaies ou le financement des start-up, les Américains ont perdu confiance dans leurs banques régionales, et il y a donc un exode des clients vers les plus grosses banques comme JP Morgan, Citibank ou Bank of America.
Cet exode n’a en quelque sorte aucun sens, car le gouvernement et la banque centrale ont montré au cours de ces 3 faillites bancaires, que si l’actionnaire pouvait tout perdre, il n’était pas question de laisser les clients boire la tasse. Donc, tous les dépôts des clients de ces banques, qui ont fait faillite aux États-Unis, ont été garantis et au-delà même de la limite légale. Mais voilà, malgré ce geste de faveur, les ménages et les entreprises américaines ont perdu confiance dans leurs plus petites banques et partent se réfugier dans les plus grandes. Vous vous en doutez, pareil exode ne fait pas l’affaire des autorités, qui ont peur d’un effet domino. Il est donc à peu près clair qu’on va assister à des reprises ou des fusions entre banques.
En fait, ce qui est dingue dans cette histoire de panique bancaire, c’est que les grandes banques sont qualifiées de banques systémiques. Que ce soit en Europe ou aux États-Unis, le mot systémique veut juste dire que la banque en question est trop grande pour la laisser partir en faillite. Ce serait trop dangereux pour le reste de l’économie. En fait, cela revient en quelque sorte à dire que les banques sont immortelles, elles ne peuvent pas mourir de leur belle mort. C’est en soi une contradiction fondamentale aux principes du capitalisme pur et dur. Une banque qui a été mal gérée devrait faire faillite sinon on incite les autres banques à mal gérer ou à prendre de mauvaises décisions pour leur entreprise sachant qu’il n’y aura pas de sanctions à la clé. Comme le disait je ne sais plus, le capitalisme sans la faillite, c’est un peu comme le christianisme sans l’enfer.
Mais cette théorie si elle est belle sur le papier est en réalité dangereuse en pratique. C’est à cause de cet aléa moral qu’on a laissé Lehman Brothers faire faillite. Depuis lors les autorités monétaires du monde entier ont compris que la morale c’est peut-être bien pour une religion, mais pas pour le secteur bancaire. Il n’y a qu’à se souvenir des dégâts en chaîne provoqués par la faillite de Lehman Brothers.
Donc, oui, on l’a encore vu avec le sauvetage en 48 heures de la banque Credit Suisse par la banque UBS : les banques sont de moins en moins mortelles. Est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Je vous laisse juger de vous-même.
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