Amid Faljaoui
Le télétravail remis en question
Les travailleurs en présentiel ont plus de chance d’être augmentés que ceux qui pratiquent le télétravail. C’est ce que déclarent 71% des employeurs interrogés par Robert Half Belgique, un bureau spécialisé dans le recrutement. Ce chiffre m’a étonné pour plusieurs raisons.
La première ? La même enquête indique que quatre employés sur 10 préfèrent continuer à travailler en mode hybride, même si cela réduit leurs chances d’obtenir une augmentation. Mais ce chiffre m’étonne également parce qu’en Belgique, il y a une guerre des talents. Au passage, l’expression m’a toujours fait sourire car il n’y a pas plus de talents aujourd’hui qu’hier, juste une pénurie de candidats pour certains jobs.
Mais voilà, face à ce constat, le télétravail est un atout pour le recrutement. Surtout pour la jeunesse, pour qui le boulot en mode hybride n’est ni une option ni un bonus, mais une obligation, un acquis social. Et cette volonté des patrons belges d’augmenter plus facilement les employés en présentiel au détriment des télétravailleurs m’étonne aussi pour une autre raison. Une autre étude, réalisée par Michael Page, montre que 62% des Belges sont prêts à renoncer à une promotion pour conserver leur flexibilité ! Et si vous ajoutez à cela que le télétravail permet d’éviter 34 millions de kilomètres de trajet par jour, selon le SPF Mobilité et Transport, on comprend que ce mode de travail a encore de beaux jours devant lui.
Sans doute en Belgique et en Europe. Aux États-Unis, le télétravail ne plaît plus aux grandes entreprises et elles le font savoir à leurs employés. Amazon, la banque JP Morgan ou Space X ont interdit le télétravail et haranguent leurs troupes pour qu’elles viennent au bureau ou à l’usine cinq jours sur cinq. Quant à Eric Schmidt, l’ancien CEO emblématique de Google, il vient de dire tout haut ce que pensent beaucoup de patrons. Lors d’une rencontre avec les étudiants de l’université de Stanford, il n’a pas hésité à dévoiler le fond de sa pensée.
Au-delà du sens, ce que cherche aussi la jeune génération, c’est un management plus horizontal avec moins de “reporting” et de contrôle tous azimuts.
Lorsque les étudiants lui ont demandé pourquoi Google avait pris du retard sur l’intelligence artificielle par rapport à OpenAI, la maison mère de ChatGPT, il a répondu que c’est parce que Google a eu un recours trop important au… télétravail : “Google a décidé que l’équilibre entre vie privée et professionnelle, bref, le fait de rentrer tôt chez soi et de travailler à domicile était plus important que la victoire”. Avant d’ajouter que “si les start-up fonctionnent, c’est parce que les employés y travaillent comme des fous”.
Vous vous en doutez, aussitôt dit, aussitôt regretté. Et ni une ni deux, Eric Schmidt a demandé aux autorités de Stanford de retirer la vidéo qui reprenait ses déclarations, déjà vue des dizaines de milliers de fois. Il s’est excusé auprès de l’actuelle direction de Google mais le mal était fait. En Belgique, les reproches à l’égard du télétravail restent nombreux mais n’étant pas dans la Silicon Valley, aucune entreprise n’ose le remettre en cause, de peur de faire fuir la génération Z. C’est sans doute aussi une paresse intellectuelle des DRH, car beaucoup de jeunes cherchent surtout de la flexibilité.
Le télétravail n’est qu’un mode ou un aspect de cette flexibilité. Au-delà du sens, ce que cherche aussi la jeune génération, c’est un management plus horizontal avec moins de reporting et de contrôle tous azimuts. Et puis, ne l’oublions jamais, la rémunération reste le premier critère d’embauche. Même en 2024.
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