Paul Vacca

Le sport business en sprint avec la nouvelle génération

Paul Vacca Romancier, essayiste et consultant

Le business du sport tient une forme olympique. Ses sources de revenus sont innombrables (billetterie, droits de diffusion, sponsoring, produits dérivés, paris sportifs, jeux vidéo, etc.) et il aspire de plus en plus d’acteurs économiques. Même un groupe de luxe comme LVMH est entré dans la mêlée : en tant que partenaire officiel des JO de Paris ou en associant Roger Federer et Rafael Nadal pour sa dernière annonce publicitaire Louis Vuitton. Pourtant, note Josh Noble dans un article pour le Financial Times, une ombre se profile à l’horizon : celle de la désaffection des jeunes générations pour les manifestations sportives et les retransmissions télévisuelles, c’est-à-dire pour le sport live.

Une étude proposée par l’institut YouGov l’an dernier montre l’ampleur du décrochage : 31% seulement des 18-24 ans regardent le sport live contre 75% chez les 55 ans et plus. L’augmentation du prix des tickets ou des abonnements aux chaînes de sport sont certainement une clef d’explication. Mais, plus profondément, on constate une mutation dans la façon de consommer le sport à l’ère de l’économie de l’attention : au lieu de regarder un match en entier, on peut préférer visionner les extraits choisis sur YouTube (les highlights), interagir avec les sportifs sur les réseaux sociaux, “pratiquer” son sport avec des jeux vidéo comme FIFA ou NBA ou tout simplement s’en passer face à une offre pléthorique de divertissements que n’avaient pas les générations précédentes.

Au lieu de regarder un match en entier, on peut préférer visionner les extraits choisis sur YouTube.

Or, selon Josh Noble, le désintérêt des jeunes générations pour le sport live est loin d’être anecdotique : il menace à terme le modèle global du sport business car toutes les sources de revenus dérivent du live. Le journaliste expose les pistes que les professionnels, conscients du danger, envisagent pour attirer les plus jeunes dans les gradins et devant leur écran. Parmi elles, celle qui consiste à créer de nouvelles compétitions sportives en phase avec leurs aspirations. Ainsi, pour la première fois, les JO de Paris vont proposer des compétitions de breakdance, qui va rejoindre les additions olympiques récentes du surf, du skateboard ou de l’escalade.

Ou bien modifier les formats des compétitions pour éliminer les temps morts et les rendre plus ludiques. C’est ce que propose l’UTS, Ultimate Tennis Showdown, en revisitant totalement les règles de la compétition tennistique en lui donnant des allures de catch. Ou bien proposer des documentaires comme Formule 1 : Pilotes de leur destin ou Break Point diffusés sur Netflix qui acculturent de nouveaux adeptes en dévoilant les arcanes spectaculaires d’un sport. Ou bien encore promouvoir les sports féminins pour s’ouvrir un nouveau public… Bref, le secteur s’engage dans une course contre la montre avec la Gen Z.

En revanche, il y a une catégorie qui ne souffre aucune désaffection de la part des jeunes générations : les sports de combat comme les combats libres ou la boxe. Des sports parfaitement adaptés à l’ère de l’économie de l’attention, nous explique Josh Noble. Leur imprédictibilité même, qui était un problème pour les chaînes classiques (un match de boxe qui se termine en quelques petits rounds est une catastrophe pour la programmation et les recettes publicitaires) est devenu un bonus. Contrairement à un match de tennis en cinq sets ou les 52 tours d’une course de Formule 1, un combat requiert une vigilance constante car tout peut basculer à tout moment.

Mais à ceux qui seraient tentés d’y voir le signe d’une génération plus violente, nourrie aux jeux vidéo, on rappelle que l’engouement pour les sports de combat ne date pas d’hier. Les combats de gladiateurs étaient déjà un “sport live” qui déplaçait les foules.

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