Typhanie Afschrift

L’Arizona, le nouveau “gouvernement des impôts”

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

L’expression date du gouvernement Di Rupo, qui avait augmenté un nombre impressionnant d’impôts, y compris le précompte mobilier, ce qui visait l’épargne. À l’époque, la N-VA, quoique premier parti du pays, était reléguée dans l’opposition et Bart De Wever ne s’était pas privé de critiquer de manière acerbe le gouvernement. Il avait parlé de “belastingregering“, le “gouvernement des impôts”. Depuis lors, la pression fiscale n’a pas diminué en Belgique. Au contraire. L’accord de gouvernement qui vient d’être signé n’implique aucune diminution globale des prélèvements obligatoires. Le nouveau “belastingregering“, c’est le gouvernement De Wever…

Certains avaient eu des illusions après les élections. Ils pensaient que le virage au centre-droit, constaté autant, sinon davantage, en Wallonie qu’en Flandre, allait permettre d’enfin réformer la Belgique. Rien de tout cela n’est survenu. Le gouvernement wallon a fait un petit effort sur les droits d’enregistrement, mais moyennant beaucoup de conditions, tandis que la réduction des droits de succession, qui ne compense même pas la moitié de l’inflation, est reléguée à dans trois ans. Tant pis pour les héritiers de ceux qui meurent avant. Sans même parler du gouvernement bruxellois, encore inexistant, qui aura la lourde tâche de reprendre en main une Région au bord de la faillite.

On doit bien admettre qu’il n’y a pas de progrès significatifs en matière fiscale au niveau fédéral. Certes, il y a enfin un relèvement du “minimum imposable”, à un niveau encore très insuffisant pour éviter que les plus pauvres paient un impôt sur le revenu. Mais cela est “compensé” par l’abandon de multiples réductions d’impôts. Ces augmentations d’impôts seront supportées surtout par des travailleurs : cadres du privé, indépendants, managers de société… Bref, c’est l’essentiel de la classe moyenne qui est visée.

Pour le reste, on crée une taxation des plus-values. Ce que les socialistes n’ont jamais obtenu, les “libéraux” l’ont accordé. Ils avaient dit, à juste titre, que pour taxer les plus-values, il faudrait d’abord modifier fondamentalement le système fiscal belge. Cela n’a pas eu lieu, mais ils ont quand même lâché sur le principe de cette taxation, ce qui permettra, un jour, à leurs successeurs d’en augmenter le taux. Ils ont même renoncé à l’idée, lancée dans les premières “super-notas”, de ne pas taxer la partie de la plus-value qui résulte seulement de l’inflation.

Comme d’habitude, on chipote sur l’interprétation de textes qui n’existent pas encore pour essayer de faire croire que la concession n’est pas si grave. Le problème, ce n’est pas que les plus-values soient taxées. C’est qu’elles le soient dans un pays qui est déjà l’un des plus surtaxés. Des partis de la majorité n’ont cessé de dire, avec raison, que la Belgique était l’un des pays les plus taxés au monde. C’est toujours le cas, et ce sera encore le cas à la fin de la législature. Il en est ainsi parce que l’on n’est pas sorti des mauvaises habitudes : les réductions d’impôts sont compensées par des hausses d’autres impôts, et non par des économies.

Malgré la correction de quelques aberrations de notre système social, la nouvelle coalition demeure dans un système d’État providence. Avec une prétention de l’État de résoudre tous les problèmes des gens, en ne se rendant pas compte que c’est lui-même, l’État, qui est la source de l’essentiel de ces problèmes. Une belle occasion perdue pour ceux qui voulaient réellement un renouveau de la vie politique. On finira par se rendre compte qu’il n’y a plus rien à espérer de nos partis politiques.


Le problème, ce n’est pas que les plus-values soient taxées. C’est qu’elles le soient dans un pays qui est déjà l’un des plus surtaxés.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content