Amid Faljaoui

Le jour où Belfius a dit non : la confiance ne se décrète pas, elle se mérite…

Une chronique d’Amid Faljaoui.

“Ce n’est pas vous, c’est moi”. C’est en gros ce que Belfius vient de dire à la Région bruxelloise. Sauf qu’ici, ce n’est pas une rupture amoureuse : c’est une banque publique qui coupe une ligne de crédit à un pouvoir public. Et ça, en Belgique, on n’a pas l’habitude.

Imaginez la scène : Une Région persuadée que sa banque “publique” sera toujours là, quoi qu’il arrive. Et de l’autre côté, une banque 100 % détenue par l’État… qui constate que le client est devenu trop risqué. Alors elle dit stop.

La plupart des réactions se sont trompées de cible. On réclame une “vraie banque publique”, comme si Belfius ne l’était pas déjà. Comme si le simple fait d’être publique donnait le droit d’ignorer les règles du système financier. Comme si une banque pouvait prêter sur la base de la sympathie ou du patriotisme.

Reprenons calmement. Une banque – qu’elle soit privée ou publique – ne prête pas parce qu’elle aime un client. Elle prête parce que les chiffres tiennent debout. Et là, ils ne tenaient plus : note dégradée, déficit élevé, budget 2026 absent, gouvernement en suspens. Et même un stress test montrant un risque de manque de liquidités au printemps prochain.

À ce moment-là, ce n’est plus un débat politique : c’est de la mécanique bancaire pure. Quand ça dérape, les arbitres du secteur – à savoir la Banque nationale et la BCE – veillent au grain. C’est ce qu’on appelle le “contrôle prudentiel”.

En clair : une banque n’a pas le droit de prêter à un client trop risqué, même si ce client s’appelle Région bruxelloise et même si l’actionnaire s’appelle l’État belge. Le plus ironique dans cette affaire ? Ce sont les marches financiers, pas la politique, qui ont allumé la lumière orange vive.

Des investisseurs ont interrogé Belfius : “Vous êtes sûrs de votre exposition ?” Et quand les marchés commencent à poser des questions, les banques écoutent. Public ou pas public.

Alors oui, il existe des solutions temporaires. Oui, la Région peut emprunter à long terme pour couvrir des besoins à court terme.

Mais si je puis filer la métaphore, c’est comme prendre un crédit hypothécaire pour payer ses factures d’électricité. Ça marche une fois. Ça rassure cinq minutes. Mais ça montre surtout un vrai problème de gestion.

Au final, voilà ce que personne n’ose dire : Le sujet n’est pas Belfius. Le sujet, c’est la crédibilité budgétaire. Vous pouvez changer de banque, lancer un marché public, réécrire les contrats… Tant que la confiance n’est pas restaurée, les conditions resteront les mêmes : dures.

À l’inverse de ce que disent ou écrivent certains, une banque publique qui dit non, ce n’est pas une trahison. C’est un électrochoc. Une alarme.

C’est un “stop” qui dit : reprenez la main, remettez de la clarté, redonnez de la visibilité. Parce que dans la finance – comme dans la vie d’ailleurs – la confiance ne se décrète pas. Elle se mérite, elle se protège, et surtout, elle se reconstruit. Alors la vraie question n’est plus : “Pourquoi Belfius a dit non ?” La vraie question devient : “Quand est-ce que Bruxelles redeviendra un client crédible ?”.

Ma crainte ? Dans le privé, les faillites ont toujours été précédées d’une crise de liquidité. Pourquoi le public ferait-il exception ? Et si oui, la question de la valeur ajoutée de la région Bruxelles-capitale sera posée ? Ne devra-t-elle pas être dissoute dans l’Etat fédéral ? La question se pose déjà au nord du pays.

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