Le chancelier allemand Friedrich Merz avait promis, au début de l’été, un “automne de réformes”. Récemment, le gouvernement a effectivement fait une série d’annonces importantes auxquelles on ferait bien de s’intéresser en Belgique. Avant toute chose, on soulignera que Berlin a finalement reconnu que l’économie allemande n’est pas seulement confrontée à un ralentissement conjoncturel, mais à une période de faiblesse structurelle. Le dernier rapport du Conseil des conseillers économiques d’Allemagne est l’un des nombreux exemples qui montrent que l’économie est probablement confrontée à son plus grand défi des 80 dernières années : 15 ans de sous-investissement, absence de réformes structurelles et émergence de la Chine en tant que concurrent féroce ont érodé le modèle économique allemand, historiquement basé sur une compression des coûts (ce qui pèse sur la demande intérieure) et sur des exportations vers le reste du monde.
Le gouvernement allemand s’est donc mis d’accord sur plusieurs mesures qui témoignent au moins d’une volonté d’agir, même s’il n’y a pas encore de plan d’ensemble. Certaines de ces mesures sont déjà des décisions politiques effectives, d’autres n’en sont qu’au stade de l’accord politique. On y retrouve d’abord un prix fixe de l’énergie de 5 centimes par kilowattheure pour l’industrie à forte consommation d’énergie jusqu’en 2028. Actuellement, le prix est d’environ 15 cents. L’Allemagne va aussi renforcer sa production électrique par la construction de nouvelles centrales au gaz d’une capacité de 8 gigawatts. Le gouvernement prévoit par ailleurs la réduction des redevances de contrôle du trafic aérien, dans le but de faire économiser 350 millions d’euros au secteur.
Le lancement d’un “Fonds pour l’Allemagne” aura également bien lieu. Cette idée avait été mentionnée dans l’accord de coalition, et il s’agissait alors d’un fonds de 10 milliards d’euros qui devrait attirer 90 milliards supplémentaires du secteur privé pour soutenir les PME et les entreprises en phase d’expansion. Les annonces de politique économique doivent encore être soutenues par l’ensemble du gouvernement et du parlement et, dans le cas de la subvention du prix de l’énergie, elles doivent également être approuvées par la Commission européenne. Par conséquent, les annonces doivent encore être prises avec prudence.
Ces annonces allemandes sont certainement une bonne nouvelle pour l’Europe, mais pas nécessairement pour la Belgique.
Ces annonces sont une bonne nouvelle pour la Belgique, pourrait-on se dire. Après tout, l’Allemagne est notre premier client. Si elle se porte mieux grâce à une politique économique expansionniste, c’est tout bénéfice pour nos exportations. D’un autre côté, ces mesures peuvent aussi représenter une menace. Tout d’abord, on sait que le coût de l’énergie est crucial pour l’industrie. Avoir un prix à ce point subventionné chez notre voisin risque de peser sur les décisions d’investissements d’entreprises présentes en Belgique. C’est non seulement une question de coût, mais aussi de disponibilité d’énergie.
Dans l’urgence de la situation, on peut effectivement craindre qu’une sorte de concurrence s’installe (une fois de plus…) entre les pays européens. Or, dans un tel scénario, la Belgique n’aura pas la capacité de suivre le mouvement, en raison de ses finances publiques détériorées. Nous voilà réduits à discuter inlassablement de la largeur des épaules que l’on devra taxer, alors que d’autres pays attirent les champions de demain en comprimant les prix de l’énergie et en lançant des mécanismes capables de financer les projets novateurs. Bref, à y regarder de plus près, ces annonces allemandes sont certainement une bonne nouvelle pour l’Europe, mais pas nécessairement pour la Belgique, qui se cherche toujours une direction claire.