Amid Faljaoui

Le corsaire Surcouf et la dette publique belge

On raconte qu’un amiral de la marine anglaise aurait un jour déclaré au corsaire français Surcouf : « Nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur, tandis que vous, Français, vous vous battez pour l’argent. » Surcouf lui aurait alors répondu : « Chacun se bat pour ce qui lui manque. »

En Belgique, malheureusement, il semble que nous nous battions à la fois pour l’honneur et pour l’argent. Pour illustrer cette réalité, il suffit de noter que l’agence de notation Moody’s a placé la note de notre dette publique sous « perspective négative ». En clair, la note de notre dette pourrait être dégradée un jour, car nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour rééquilibrer notre budget.

Une dégradation de la note de notre dette représenterait une perte de réputation à l’échelle mondiale, une atteinte à notre « honneur », pour reprendre cette idée. Quant à l’aspect financier, il va bien falloir trouver les fonds nécessaires pour équilibrer nos comptes. Même si cela ne fait pas la Une des médias, une augmentation des impôts semble inévitable, même si elle risque d’être dissimulée sous d’autres formes. En Belgique, tout comme en France, on a pris l’habitude de combler chaque déficit par des taxes : en somme, un problème = une nouvelle taxe.

Le prochain gouvernement fédéral devra probablement réduire le train de vie de l’État. L’équation est bien connue, même si nos responsables politiques évitent de l’aborder publiquement. Pour donner un ordre de grandeur : le budget fédéral de la Belgique s’élève à 167 milliards d’euros. Avant même toute prise de décision politique, 137 milliards de ces 167 sont affectés automatiquement. Sur cette somme, 51 milliards vont directement à la sécurité sociale, qui doit toujours rester en équilibre. Cependant, nos cotisations sociales ne financent la sécurité sociale qu’à hauteur de 58 %, ce qui laisse déjà apparaître un sérieux problème de financement.

Lorsque les transferts obligatoires ont été effectués, il ne reste dans les caisses de l’État que 29 milliards d’euros. À cela, il faut encore soustraire 10 milliards pour la charge des intérêts de notre dette publique. En effet, notre dette coûte déjà 10 milliards d’euros par an, et ce montant pourrait encore augmenter si la note de notre dette venait à être dégradée. Ce risque est d’autant plus réel qu’une banque américaine, Citi, a déjà conseillé à ses clients d’opter pour des obligations de l’État espagnol plutôt que pour les nôtres.

Après avoir retiré ces 10 milliards, il nous reste donc 19 milliards pour financer la justice, la police, la défense, les affaires étrangères et la politique scientifique, des postes budgétaires qui nécessitent en réalité 37 milliards d’euros. Nous n’avons donc que 19 milliards disponibles, ce qui signifie que l’État belge débute son exercice budgétaire annuel avec un déficit de 18 milliards d’euros.

Ainsi, si le nouveau gouvernement met tant de temps à se constituer, c’est parce que des mesures drastiques devront être prises. Ces décisions risquent d’être bien moins populaires que les slogans de la dernière campagne électorale. Comme le disait ma grand-mère : « À parier sur du vent, on récolte des courants d’air. »

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