Eddy Caekelberghs
Il est minuit moins quelques secondes et le bruit des armes redevient assourdissant…
J’écris cette chronique et je lis, accroché au mur, le fac-similé de la Dernière Heure du vendredi 30 septembre 1938, sous le titre ‘‘La guerre n’aura pas lieu en Europe’’. On sait ce qu’il est advenu. Aujourd’hui, c’est l’inverse : partout en Europe, on évoque l’éventualité d’un affrontement direct et massif entre Russie et Occident.
Les services de renseignements estoniens tirent la sonnette d’alarme en affirmant, dans leur rapport annuel : ‘‘Nous pouvons être convaincus que l’Otan au cours de la décennie à venir sera confrontée à une armée massive de type soviétique, qui bien qu’inférieure technologiquement aux alliés, présentera une menace en termes de taille, de puissance de tir et de réserves.’’ Et tout cela alors que Donald Trump menace de ne plus défendre les pays de l’Otan, qui n’investissent pas assez dans leur propre défense.
Une menace pour le pilier européen de défense, comme le soulignent Les Echos à Paris : ‘‘C’est aux Européens de reprendre les commandes de l’Otan, d’un point de vue à la fois financier et stratégique. […] Il est vital que les pays d’Europe de l’Est croient en notre défense collective. Faute de quoi chacun ira chercher la protection individuelle de Donald Trump. Sans alliance et sans l’Europe.’’
Mais, instantanément, on questionne notre solidarité interne européenne réelle ! Parce que, comme le souligne à Varsovie l’excellente revue Rzeczpospolita : ‘‘Alors qu’un Américain de New York serait prêt à mourir à la guerre pour un Américain de Los Angeles, la question de savoir si un Espagnol serait prêt à mourir pour un Polonais est bien plus aléatoire. C’est la raison pour laquelle la Pologne a consacré 3,9 % de son PIB à sa défense l’an dernier, contre 1,26 % pour l’Espagne. Et tant que les Européens ne se sentiront pas solidaires les uns des autres, il sera très difficile pour notre continent d’assurer sa défense.’’ Une incantation au réarmement !
Le réarmement nucléaire de l’Europe nous mènerait au bord d’une guerre atomique.
Certes, ce climat martial qui nous hante est un formidable coup de pouce industriel au lobby de l’armement. Dans une Europe en crise, qui peine à organiser sa relance, un discours martial désinhibé est un atout. Le chancelier allemand l’a compris, qui plaide pour un réarmement massif de son pays et de ses partenaires, sur la base d’une industrie allemande dédiée. Ressurgit alors immédiatement en toile de fond le spectre de Munich et des années noires du nazisme, face à une Allemagne où l’extrême droite de l’AfD revient en force.
Le quotidien roumain “Adevarul” questionne : ‘‘Est-il souhaitable que l’Allemagne devienne le premier constructeur d’armes européen ? Et que la défense et la sécurité des pays de notre continent dépendent de la capacité de production du système militaro-industriel de ce pays ? Une question délicate d’un point de vue historique. La réponse doit faire la part des choses au vu des nouvelles réalités du marché mondial du pouvoir. Si les Américains décident qu’ils ont suffisamment dépensé pour les guerres, comment l’Allemagne implémentera-t-elle le leadership de l’armée‑européenne ?’’
Sans compter l’angoisse exprimée par le quotidien grec Naftemporiki : ‘‘Heureusement, l’Allemagne a ratifié le traité sur la non-prolifération des armes atomiques. […] Un retrait de l’Allemagne de cette obligation internationale ferait monter d’un cran le conflit existant avec la Russie. Il est faux de croire que le dogme de la dissuasion nucléaire est source de sécurité. C’est le contraire qui prévaut : le réarmement nucléaire de l’Europe nous mènerait au bord d’une guerre atomique.’’
Il est minuit moins quelques secondes et le bruit des armes redevient assourdissant…
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