Amid Faljaoui

L’Arizona et le budget en trompe-l’oeil

L’accord budgétaire “Arizona” a été présenté comme une bonne nouvelle. En réalité, c’est surtout une mise en  scène très bien orchestrée.

Lundi matin, le pays a démarré sa journée avec des piquets de grève et une humeur grise. Et au même moment, le gouvernement surgit pour annoncer : “On a trouvé un accord.” Difficile de croire au hasard. Quand l’ambiance est tendue, annoncer une “solution budgétaire” permet de reprendre la main. C’est du timing politique pur.

L’accord affiche un effort structurel de 9,2 milliards d’euros d’ici 2029. Sur le papier, c’est impressionnant. Mais dès qu’on regarde comment ces milliards doivent être obtenus, on voit rapidement que tout repose sur des hypothèses fragiles.

On parle par exemple du retour au travail de 100.000 malades longue durée. L’idée est positive, évidemment. Mais aujourd’hui déjà, les médecins sont débordés, les entreprises n’ont pas les moyens d’adapter massivement les postes, et les services d’accompagnement sont saturés. On a déjà du mal à gérer quelques milliers de réintégrations par an. Alors en annoncer cent mille comme s’il suffisait de claquer des doigts… c’est ambitieux, mais très peu réaliste. Et surtout, en faire une “recette” budgétaire, c’est risqué.

Autre pilier : la lutte contre la fraude fiscale. Là aussi, tout le monde applaudit l’objectif. Mais récupérer de l’argent fraudé prend du temps : enquêtes longues, procédures judiciaires, contestations, manque de personnel… Dire que ces montants seront disponibles “en vitesse de croisière” dans les prochaines années relève plus de l’espoir que de la certitude. On ne construit pas un budget solide sur des revenus aussi incertains.

Vient ensuite la TVA. Le MR affirme fièrement qu’elle n’a pas augmenté. C’est vrai… techniquement. Les taux 6 %, 12 % et 21 % restent les mêmes. Mais dans les faits, certains produits passent dans une tranche plus élevée, et les accises sur le gaz augmentent de façon à recréer l’effet d’une TVA plus forte. Résultat : la facture augmente sans que personne ne puisse dire que “la TVA a augmenté”. C’est un tour de passe-passe politique typique : tout change, mais officiellement rien ne change.

Le saut d’index, lui, aura un impact très concret. En plafonnant l’indexation automatique à 4.000 euros, on crée une situation où les salaires d’une partie des travailleurs ne suivront plus complètement l’inflation. En clair : les prix montent, mais votre revenu rattrape moins vite. Et malgré cela, l’État ne récupère que la moitié du gain. L’autre moitié va aux entreprises pour renforcer leur compétitivité. C’est une mesure sensible pour la classe moyenne, mais pour un résultat budgétaire finalement limité.

Mis bout à bout, tout cela donne un accord où chaque parti peut sauver la face : le MR peut dire qu’il n’a pas “augmenté la TVA”,

les socialistes flamands peuvent dire qu’ils ont fait contribuer les plus fortunés, et la N-VA peut dire qu’elle a “assaini les finances”.

Mais l’ensemble repose sur des paris fragiles : des objectifs difficiles, des recettes incertaines, des mécanismes complexes. Ce n’est pas un plan de transformation. C’est un compromis qui permet à chacun de dire qu’il a gagné quelque chose.

Au fond, cet accord n’est pas un tournant historique. C’est un moyen de passer l’hiver politique. Une manière de rassurer la Commission européenne et de calmer momentanément les tensions. La question aujourd’hui est simple : combien de temps encore pourra-t-on construire des budgets sur des hypothèses fragiles avant que la réalité ne rattrape la politique ? Je vous donne hélas rendez-vous d’ici un an ou deux maximum.

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