Typhanie Afschrift
L’Arizona et la Cour constitutionnelle
On en parle beaucoup moins que d’autres réformes, mais la nouvelle coalition gouvernementale veut réformer la désignation d’une partie des juges de la Cour constitutionnelle. Il s’agit d’une juridiction essentielle, puisqu’elle assure le contrôle de la constitutionnalité des lois. Elle a la particularité, à notre avis discutable, de compter une moitié de juges professionnels, issus des plus hautes juridictions du pays, et une autre moitié de juges “politiques”, ayant une certaine expérience parlementaire ou ministérielle. La moitié des juges, en outre, doivent être flamands, et l’autre moitié francophones, ce qui paraît logique dans un État fédéral.
Les nouveautés que pense introduire la nouvelle coalition sont importantes. On envisage enfin que même les juges politiques doivent avoir un diplôme de droit. On sait combien cette question avait été âprement discutée lorsque Zakia Khattabi avait été candidate à cette fonction, sans obtenir la majorité requise pour être nommée. La N-VA avait alors, sans doute à juste titre, invoqué que la candidate n’était pas juriste (ce que la loi n’exigeait pas à l’époque). On sait moins toutefois que, peu cohérente, la N-VA avait ensuite accepté la désignation d’un autre candidat, Ecolo aussi, qui n’était pas plus juriste qu’elle. Parce que bien sûr, l’appartenance politique est toujours un critère essentiel en Belgique.
Outre cette exigence d’un diplôme de droit, on va requérir des candidats “politiques” un bilinguisme fonctionnel. Lorsque l’on sait combien les examens linguistiques des magistrats sont souvent difficiles, surtout pour les candidats francophones, on peut se poser des questions quant à la possibilité de réunir des candidats réunissant toutes les conditions requises.
En effet, pour ces membres politiques, il faudra trouver des personnes qui seront candidates à cette fonction, auront huit ans d’expérience parlementaire (au lieu de cinq actuellement), la bonne appartenance linguistique et connaîtront les deux langues. Ce seront manifestement des perles rares, surtout parmi les francophones, moins souvent bilingues, et tout simplement moins nombreux à avoir siégé huit ans dans une assemblée parlementaire.
Pourquoi ne déciderait-on pas de désigner la totalité des membres de la Cour parmi les haut magistrats candidats à cette fonction ?
Que fera-t-on si l’on ne trouve pas de candidat ? Ou si les seules personnes réunissant ces conditions appartiennent à un parti autre que celui dont “c’est le tour” suivant les usages partisans? À moins bien sûr que l’on se décide – ce qui serait sans doute souhaitable – à ne plus tenir compte de l’appartenance politique, mais c’est sans doute un rêve. Ou alors que ferait-on si les seuls candidats réunissant les conditions sont d’un parti faisant l’objet d’un “cordon sanitaire” comme le Vlaams Belang, ou tout simplement non acceptable pour la grande majorité des parlementaires (comme il faut le supposer à propos d’un éventuel candidat PTB…).
On peut comprendre certaines des réformes introduites, comme l’exigence d’être juriste. Mais en ajoutant tellement de conditions, on risque tout simplement d’éprouver des difficultés à compléter le siège de la Cour. Manifestement, les politiciens tiennent à conserver une moitié de sièges dans celle-ci, alors qu’une expérience politique n’est manifestement pas d’une très grande utilité pour exercer une fonction de juge. Déjà, actuellement, certains croient pouvoir dire que, notamment dans les questions économiques, cette influence politique a une incidence sur certaines décisions qui devraient être plus juridiquement fondées.
Pourquoi, devant ces difficultés, qui ne cesseront d’augmenter sous le nouveau régime, ne déciderait-on pas tout simplement de désigner la totalité des membres de la Cour parmi les haut magistrats candidats à cette fonction ?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici