Amid Faljaoui

L’Amérique de Trump s’invite dans nos bureaux

Une lettre étrange, venue tout droit de l’ambassade américaine à Paris. Signée d’un “agent contractant”. Ton glacial. Délai : 5 jours pour répondre. Objet ? Vos programmes internes de diversité, d’égalité, d’inclusion — DEI, pour les initiés. Ce courrier, envoyé à plusieurs entreprises françaises mais aussi européennes, n’est pas une simple formalité diplomatique. C’est une injonction politique.

Il affirme que le décret 14.173 signé par Donald Trump interdit désormais toute forme de discrimination positive, y compris en dehors des États-Unis, pour toutes les entreprises travaillant, directement ou non, avec l’État fédéral américain.

Et si vous avez mis en place une politique DEI, même modeste ? Cela pourrait suffire à vous disqualifier d’un marché public. Même si vous êtes européen. Même si c’est légal chez vous.

Le message est clair : les valeurs de Trump priment sur vos règles locales.

Pour ceux et celles qui découvrent ce mode opératoire, un rappel s’impose. Ce n’est pas nouveau. C’est le modèle “BNP Paribas”.

Souvenez-vous : en 2014, la banque française est condamnée à près de 9 milliards de dollars d’amende pour avoir réalisé, en dollars, des opérations avec le Soudan et l’Iran — deux pays sous embargo américain.

Peu importait que ces opérations soient autorisées en France ou en Europe. Washington avait tranché : le dollar, c’est notre monnaie, donc nos règles.

Aujourd’hui, ce n’est plus seulement une monnaie qu’on extraterritorialise. C’est une vision du monde. Trump veut exporter ses combats culturels jusque dans nos salles de réunion, nos chartes internes, nos comités RSE. On passe de l’extraterritorialité financière à l’extraterritorialité idéologique. Et c’est un vrai test pour l’Europe.

Va-t-elle plier comme elle l’a fait trop souvent face au droit américain ? Ou saura-t-elle tracer une ligne rouge claire entre partenariat économique et soumission culturelle ?

Soyons lucides et calmes : l’administration Trump n’est pas “l’Amérique”. C’est une facette. Bruyante. Radicalisée. Puissante.

Mais ce n’est pas l’ensemble du pays, ni de ses entreprises.

Il ne s’agit donc pas de sombrer dans l’antiaméricanisme de confort.

Mais de résister avec méthode et fermeté à une tentative d’imposition culturelle, qui menace nos valeurs et notre autonomie stratégique.

Ce que Trump tente aujourd’hui avec la diversité, il pourra le tenter demain avec d’autres engagements éthiques.

Le vrai enjeu est là.

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