Amid Faljaoui

La taxe des millionnaires : symbole ou solution ?

Vooruit relance l’idée d’une “taxe des millionnaires” pour renflouer un budget fédéral en déficit chronique. Si le symbole frappe les esprits, son efficacité réelle reste sujette à caution, entre rendement incertain, risques de fuite des capitaux et débat sur la vie privée.

Imaginez une baignoire qui fuit. Vous avez beau remplir l’eau, le niveau baisse toujours. Cette baignoire, c’est le budget fédéral belge : les dépenses augmentent plus vite que les recettes, et les responsables politiques cherchent désespérément à combler les trous.

C’est dans ce contexte que le parti socialiste flamand, Vooruit, a mis une idée sur la table : une “taxe des millionnaires”. Rien que le nom attire l’attention. L’image est claire : ceux qui ont le plus d’argent doivent contribuer davantage. Et pour un lecteur, ça peut sembler logique. Mais que cache exactement cette proposition ?

L’idée est simple en apparence. Si vous possédez plus d’un million d’euros en actifs financiers — comptes d’épargne, comptes à terme, assurances, actions, cryptomonnaies — vous serez taxé. Pas de panique si vous avez une maison ou un appartement : l’immobilier ne compte pas. Le barème est progressif : 0,3 % entre 1 et 2 millions, 0,45 % entre 2 et 3 millions, et 0,6 % au-delà.

Vooruit promet un rendement d’un milliard d’euros. Ce chiffre s’appuie sur une étude universitaire montrant que 1 % des Belges détient environ 22 % du patrimoine financier total. Autrement dit, taxer ce 1 % pourrait rapporter gros.

Mais — car il y a toujours un mais — cette taxe soulève plusieurs questions. D’abord, celle de l’efficacité. L’exemple français est parlant : l’Impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, a été abandonné en partie parce qu’il rapportait moins que prévu et poussait certains contribuables à transférer leur fortune ailleurs. En Belgique aussi, rien n’empêche les plus riches de déplacer leurs avoirs à l’étranger ou de trouver de nouvelles formules d’optimisation fiscale.

Taxer les millionnaires, c’est un signal politique fort : on veut montrer que l’effort budgétaire ne repose pas seulement sur la classe moyenne. Mais en pratique, le rendement est incertain et le risque d’évasion bien réel.

Ensuite, il y a la question de la vie privée. Pour prélever cette taxe, Vooruit veut donner au fisc un accès direct au fameux Point de contact central de la Banque nationale, qui recense déjà tous les comptes bancaires des Belges. L’idée est d’en faire un véritable cadastre des fortunes.

Politiquement, c’est explosif. Juridiquement, c’est fragile. Et socialement, cela peut être perçu comme une intrusion excessive de l’État.

Alors, faut-il voir cette taxe comme une arme sérieuse ou comme un coup de communication politique ? Sur le plan symbolique, l’idée fonctionne : elle donne le sentiment que l’effort budgétaire sera mieux réparti et qu’on ne se contentera pas d’appuyer toujours sur la classe moyenne.

Mais sur le plan pratique, le rendement est incertain. Certains experts estiment que la recette réelle pourrait tourner autour de 400 à 600 millions d’euros, loin du milliard annoncé.

Et puis, rappelons une évidence : la Belgique a un problème structurel de dépenses. Ajouter une taxe, c’est comme remplir un peu plus vite la baignoire, mais sans réparer les fuites. Cela soulage un temps, mais ça ne règle pas la cause profonde du déficit.

Alors, que restera-t-il de cette idée ? Probablement un débat houleux au Parlement, une bataille politique entre gauche et droite, et peut-être, au final, un compromis édulcoré. Car dans l’histoire budgétaire belge, les grandes annonces se terminent souvent en petites mesures.

Pour le lecteur attentif, la leçon est simple : la taxe des millionnaires n’est pas la baguette magique qui va sauver les finances publiques. Elle illustre surtout un réflexe politique ancien : face à une dette qui explose, on préfère inventer une nouvelle taxe plutôt que de repenser en profondeur la manière dont l’État dépense son argent.

La baignoire fuit toujours. Et ce n’est pas un seau d’eau supplémentaire qui suffira à la remplir.

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