Amid Faljaoui

La taxe de 2 euros sur les colis chinois : une manière de protéger nos cerveaux

Le gouvernement belge veut instaurer une taxe de 2 euros sur chaque colis de moins de 150 euros importé de Chine.

Sous ce seuil, il faut le rappeler, aucune taxe douanière n’est aujourd’hui perçue : les produits entrent librement sur le marché européen.

Résultat : des millions de petits paquets à très bas prix inondent l’Europe, tandis que les commerçants belges, eux, continuent de payer la TVA, les salaires et les loyers.

L’idée, proposée par Les Engagés et soutenue par le MR, vise à rétablir une concurrence plus équitable et donc à renflouer un budget fédéral exsangue.

L’économie de la dopamine

Mais cette taxe touche bien plus qu’un simple problème de douane. Elles s’attaquent à une machine beaucoup plus subtile et redoutable : celle de l’économie de la dopamine.

En fait, Shein, Temu ou Alibaba n’ont pas inventé la mode bon marché, ils ont inventé la mode addictive. Leur modèle ne repose pas sur la qualité des vêtements, mais sur notre biologie cérébrale. Chaque fois que vous scrollez, ajoutez un article au panier ou suivez un compte à rebours, votre cerveau libère une petite dose de dopamine : le neurotransmetteur de la récompense.

C’est exactement le même mécanisme que dans un casino ou une appli de jeu. On appuie, on espère, on rejoue. Chaque clic devient donc une sorte de pari émotionnel. Et la récompense ne vient pas seulement du produit, elle vient de l’attente elle-même.

C’est vrai que le délai entre la commande et la livraison crée une tension, une anticipation, une excitation qui entretiennent la dépendance. Et quand le colis arrive, parfois décevant, le cerveau, lui, a déjà eu sa dose. On commande alors à nouveau pour ressentir ce petit pic de plaisir.

Des millions d’achats impulsifs, souvent pour des objets sans valeur, saturent les flux, détruisent les marges locales et renforcent une dépendance psychologique. Et donc ces plateformes ont transformé la consommation en une expérience chimique.

Protéger nos cerveaux

Elles ne vendent plus des biens, du textile, des vêtements… Elles vendent des micro-récompenses cérébrales. Elles ne conquièrent pas des marchés, elles colonisent notre attention.

Et c’est vrai que la taxe de 2 euros n’arrêtera évidemment pas ce modèle économique de la dopamine. Mais cette taxe a au moins une vertu : elle rappelle que le problème n’est plus seulement économique. Nous ne sommes plus dans un affrontement entre entreprises, mais entre systèmes cognitifs.

D’un côté, vous avez un commerce local qui est fondé sur la patience, le conseil, la valeur réel… Et puis de l’autre, vous avez un e-commerce venant de Chine, fondé sur la vitesse, la répétition et le réflexe pavlovien.

Donc 2 euros, c’est vrai, ne suffiront pas à compenser l’écart de coût entre un magasin belge et un entrepôt chinois, mais au moins cette taxe marque peut-être le début d’une prise de conscience.

Si nous voulons sauver le commerce local, il ne s’agit plus seulement de protéger les frontières, mais de protéger nos cerveaux.

Et donc, le principal enjeu n’est pas fiscal, mais quasiment culturel. Réapprendre à attendre, retrouver du sens dans l’achat, accepter que le plaisir immédiat a un coût caché : celui de notre attention.

Parce qu’à force d’acheter pour se distraire, nous avons oublié que consommer, ce n’est pas cliquer, c’est choisir.

2 euros pour un colis, non, il s’agit de 2 euros pour une leçon de patience.

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