Amid Faljaoui

La sécheresse des idées plus dangereuse que la sécheresse elle-même ?

C’est un signal faible, donc quelque chose que le commun des mortels ne voit pas – mais c’est un signal quand même : la sécheresse qui sévit en ce moment au Maroc et en Espagne est une sorte de mise en bouche de ce qui nous attend à horizon de 2050.

C’est à l’horizon de 2050 que les climatologues estiment qu’une ville comme Nîmes dans le sud de la France aura le climat de la Tunisie. Et cette sécheresse actuelle en Espagne et au Maroc rappelle que l’eau devient doucement, mais sûrement, un bien rare et donc un bien cher, très cher. Après avoir subi l’inflation due à la période de COVID, après son accélération à cause de la guerre en Ukraine, voilà que les spécialistes nous prédisent une valse des étiquettes à cause des prix liée à la chaleur.

Cette inflation de la chaleur viendrait donc s’ajouter à l’inflation alimentaire que nous subissons déjà. Les amateurs d’huile d’olive seront les premiers à s’en rendre compte. On ne le perçoit pas en Belgique, surtout ces derniers jours pluvieux, mais l’Espagne est en pleine canicule avec des températures inhabituelles pour le mois d’avril. Des régions comme l’Andalousie ou la Catalogne se retrouvent avec des sols asséchés et un déficit de pluie. Or, 65% de la production européenne d’huile d’olive provient d’Espagne. Si vous ajoutez à cela que le prix de l’huile d’olive est aussi influencé par l’augmentation des prix de l’énergie, des engrais, du verre, des emballages et du transport, vous avez un cocktail parfait pour une flambée des prix de l’huile d’olive. Produit simple et de base qui risque donc de devenir un aliment de luxe si  les nappes phréatiques en Espagne en Italie ne peuvent plus se recharger à cause de ces vagues de chaleur de plus en plus systématiques et liées au réchauffement climatique.

Le changement climatique pose donc la question ultime à nos politiques : que mangerons-nous quand l’eau sera rare ? Ce n’est pas la question qui suscite le plus de débats au niveau politiques en Belgique ou même chez nos voisins français. Ce qui prouve, une fois de plus, que la sécheresse, elle touche d’abord les idées avant même les sols. Avec une exception. Aux Pays-Bas, un pays sans doute plus habitué à se battre contre la nature, le ministère des Affaires étrangères a mis en place un site web qui montre ce que devient la vie quotidienne quand l’eau devient une sorte d’or bleue. Si une fiole d’eau pure de seulement 15 ml se vend par exemple à 182 euros, alors deux cubes de fromage valent 100 euros et 4 carrés de chocolat grimpent à 3200 euros ! Ce site web parle d’un futur apocalyptique, mais qui pourrait être très réaliste si rien n’est fait à horizon de 2050. Il va falloir au génie humain apprendre à nouveau à s’adapter et donc apprendre à cultiver avec moins d’eau. Quant aux contenus de notre assiette, il risque aussi de varier fortement d’ici 2050.

Les vrais défis sont climatiques, ils sont aussi liés à l’irruption de l’intelligence artificielle dans nos vies privées et professionnelles. Mais pendant ce temps, nos politiques sont bloqués sur des horizons de court terme et s’étripent sur la réforme fiscale et la réforme des pensions. Comme le disait Jacques Chirac, « pendant que la maison brûle, on regarde ailleurs ».

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