Rudy Aernoudt
La pompe à richesse tourne à plein régime
Nous sommes tous de plus en plus riches. Et pourtant, nous n’en avons pas l’impression. Nombreux sont ceux qui luttent pour boucler la fin du mois alors qu’auparavant, un seul membre de la famille travaillait et cela suffisait amplement. Comment expliquer ce paradoxe? La réponse est la pompe à bien-être, concept élaboré par le penseur de la complexité Peter Turchin. Dans son livre End Times, il affirme que les économies des Etats prospères se transforment inévitablement en “pompes à richesse”, rendant les élites aisées plus riches et tous les autres plus pauvres.
Le fait que la classe moyenne “parraine” la classe supérieure est une anomalie qui doit être éliminée.
Selon les calculs de M. Turchin, le revenu réel moyen des ménages a augmenté de 45% au cours des 30 dernières années aux Etats-Unis, mais le revenu médian n’a augmenté que de 10%. Cela signifie que les inégalités se sont creusées. De plus, au cours de la même période, le revenu réel des travailleurs sans diplôme a chuté de 12% et l’achat d’un logement exige désormais de travailler 40% d’heures en plus. La part des salaires dans le revenu national brut a diminué de 30%, ce qui signifie que les autres revenus (dividendes, intérêts, loyers, etc.) ont gagné en importance.
Oxfam a calculé qu’en Belgique, les 1% les plus riches possèdent près d’un quart de toutes les richesses, soit plus que les 70% les plus pauvres de la population réunis. La Banque nationale a calculé que les 10% de Belges les plus riches possèdent plus de la moitié des richesses. Et une étude de la KU Leuven suggère que la part des familles les plus pauvres dans le revenu total est en train de tomber au niveau des Etats-Unis. Ici aussi, la pompe à richesse tournerait à plein régime. Que sur la base de ces chiffres, les gens préconisent un impôt sur la fortune est également une évidence.
Mais il faut se méfier de ces conclusions prématurées car il existe déjà une charge fiscale sur le capital. La taxe sur les valeurs mobilières, le précompte immobilier, les droits de succession sont autant de formes d’impôt sur le patrimoine. En Belgique, la charge fiscale implicite sur le capital est de 39,8%. Il s’agit de la deuxième charge fiscale la plus élevée sur le capital en Europe, après la France. La moyenne européenne est de 24%. De plus, cette charge fiscale est en nette augmentation depuis des années. Depuis 2010, la charge fiscale totale sur le capital en Belgique a augmenté de plus de 11 points de pourcentage, selon les calculs de la Commission européenne. Et l’effet d’un impôt sur la fortune est loin d’être évident, a indiqué le Bureau du Plan dans un récent rapport.
La triste réalité est que tant la main-d’œuvre que la richesse sont surtaxées en Belgique. Il n’y a donc pas beaucoup de marge de manœuvre. Nous avons besoin d’une réduction d’impôts, pas d’un transfert d’impôts. Les impôts ont déjà un effet redistributif. Le coefficient Gini de la Belgique, qui mesure l’(in)égalité des richesses, est le deuxième plus bas d’Europe et représente la moitié de celui des Etats-Unis. En d’autres termes, nous sommes le deuxième pays le plus redistributif d’Europe après la Slovénie. La Belgique est également le seul pays d’Europe où la part de la classe moyenne dans la population est inférieure à sa part dans les impôts. En d’autres termes, il y a un transfert de la classe moyenne vers la classe inférieure, ce qui est normal, mais aussi vers la classe supérieure.
Le fait que la classe moyenne “parraine” la classe supérieure est une anomalie qui doit être éliminée. Un système simple, équitable et à faible taux d’imposition est nécessaire pour que le travail soit rentable et que les non-travailleurs n’en profitent pas gratuitement. Une réforme fiscale de grande envergure est nécessaire et constitue probablement la meilleure réponse, la plus réaliste, à la pompe à richesse.
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