Amid Faljaoui
La pénurie de logements et injonctions contradictoires de nos politiques
L’une des raisons d’être du business, c’est de résoudre un problème. S’il n’y a pas de problème, il n’y a pas de business ou presque.
Les entreprises qui arrivent à résoudre les soucis de nos concitoyens sont souvent les grandes gagnantes en période de crise. On l’a encore vu avec Dacia qui est la marque de voiture la plus vendue en Europe et qui affiche une marge à deux chiffres, car son modèle économique correspond au problème de l’époque : rendre la mobilité automobile accessible.
Aujourd’hui, en matière de problèmes, il y a de quoi faire. Dans l’alimentaire, par exemple, les chiffres d’affaires du secteur de la distribution a diminué de 7% en Europe. A cause de l’inflation, les consommateurs ont naturellement opté pour des produits moins chers. La pression s’exerce également sur l’immobilier. L’ancien patron des patrons de France, Geoffroy Roux de Bézieux a eu raison de pousser une gueulante ce dimanche sur les ondes de RTL France. Que ce soit pour la France comme il l’a dit (et j’y ajoute également notre magnifique pays la Belgique), si rien n’est fait, « on va vers la catastrophe ». Geoffroy Roux de Bézieux faisait allusion au manque de constructions de logements neufs. Il rappelle une évidence, la tension entre une demande qui reste forte (démographie) et une offre de logements trop faible obère le pouvoir d’achat des Français, mais aussi des Belges.
Car on a tendance à l’oublier, si l’alimentaire et l’énergie sont des postes importants, les politiques ne devraient pas oublier que le premier poste budgétaire d’un ménage, c’est le coût du logement. J’ai déjà parlé de cet important poste de dépenses avec des patrons de banques qui, eux, de leur côté ne voient pas une augmentation des impayés et semblaient rassurés sur ce point. Mais cette absence d’alerte sur les statistiques bancaires ne veut pas dire que les citoyens de la classe moyenne n’ont pas de difficultés à nouer les deux bouts. En réalité, il n’y a pas de hausse des impayés chez les banquiers, parce que le Belge ou le Français rogne sur d’autres dépenses, notamment alimentaires ou de divertissement, pour éviter d’être en retard de paiement pour son crédit hypothécaire. Le Belge sait, comme le disait malicieusement Philippe Bouvard, que lorsqu’on vit trop à crédit, les ardoises deviennent des tuiles.
En fait, il n’y a qu’à suivre l’actualité pour constater que les politiques ne veulent pas densifier les centres-villes, qu’ils veulent aussi préserver la diversité, qu’ils rechignent à délivrer les permis de bâtir ou le font trop lentement, mais les mêmes politiques s’égosillent à dire que nos concitoyens n’arrivent plus à se loger et que les plus jeunes, sauf coup de pouce parental, n’ont plus l’occasion de réaliser le rêve des générations précédentes : devenir propriétaire de son logement. C’est ce qu’on appelle des injonctions contradictoires. Dire tout et faire son contraire.
Au fond, les politiques belges me font penser à cette vieille blague du polytechnicien chargé d’étudier une puce : le polytechnicien attrape une puce. Il la pose sur la table en lui disant : « saute ». La puce saute. Il la rattrape et vérifie plusieurs fois la reproductibilité de son expérience. Puis, il lui coupe les pattes et la pose à nouveau sur la table en lui disant : « saute ». La puce ne saute pas. Le polytechnicien sort son carnet et note : « quand on coupe les pattes à une puce, la puce devient sourde. » La blague n’a pas pris une ride, elle montre qu’aujourd’hui nos politiques sont non seulement sourds, mais aussi aveugles devant la catastrophe du logement qui se profile à l’horizon.
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