Amid Faljaoui

La mode Shein et le Dr. Jekyll et Mister Hyde

Face à la montée en puissance de Temu et Shein, La Poste en France observe un tournant dans ses activités de distribution de colis. Son PDG dévoile des chiffres qui pourraient bien résonner jusqu’en Belgique…

Et si nous parlions de La Poste en France? Motif? Le PDG a récemment été auditionné par les parlementaires français, et ses propos ont soulevé un point d’intérêt pour nos lecteurs belges. Sinon je n’évoquerai pas ce sujet bien entendu.

Il a en effet révélé que deux plateformes chinoises, bien connues des consommateurs en Belgique également — Temu et Shein — représentent désormais 22% des colis traités par La Poste, contre seulement 5% il y a cinq ans. Ce chiffre est significatif: aujourd’hui, ces deux géants chinois surpassent même Amazon en France, qui représente 21% des colis. Autrement dit, le consommateur européen préfère la Chine aux Etats-Unis.

J’épingle ce chiffre de 22% car il n’est pas propre à la France. Il est probable que d’autres pays européens, dont la Belgique, enregistrent des proportions similaires. Cependant, les PDG des autres services postaux européens n’ont pas eu « la chance » d’être auditionnés publiquement pour partager ces données. Peut-être que ce « point final » inspirera une question parlementaire pour La Poste belge!

Les leçons à tirer de l’essor de Temu et Shein en Europe

Mais revenons à nos moutons… Quand on apprend que Temu et Shein dominent le marché des colis en France avec 22% de parts, plusieurs conclusions s’imposent. D’abord, bien que les consommateurs expriment souvent leurs préoccupations pour le climat dans les sondages, en réalité, ce qui les guide, c’est la fin du mois, et pas la fin du monde. Ce chiffre démontre également que le pouvoir d’achat reste une priorité majeure: le consommateur achète avant tout un prix, pas seulement un produit.

Ensuite, ce chiffre en dit long sur la transformation de nos entreprises privées ou publiques. La Poste ne tire plus ses revenus principalement de l’envoi de lettres ; aujourd’hui, 50% de son chiffre d’affaires provient de l’acheminement de colis, contre seulement 15% pour les lettres. Ce changement montre que le e-commerce est désormais ancré dans les habitudes de consommation.

Je me demande ce que doit en penser un homme politique belge qui, dans un moment d’égarement, a indiqué qu’il aurait voulu interdire le e-commerce. Les premières « victimes » auraient été ses électeurs, mais passons.

Les enjeux cachés derrière la croissance des plateformes chinoises

Cependant, cette montée en puissance des plateformes chinoises soulève deux préoccupations importantes. Premièrement, la Chine parvient à produire à des coûts si bas qu’elle peut envahir le marché mondial avec ses produits. Prenez les voitures électriques: même avec des droits de douane élevés, les marques automobiles chinoises continuent de vendre à prix compétitif, sans hausse de prix. C’est fou! Certains observateurs craignent d’ailleurs que l’industrie automobile européenne ne vive un jour le même sort que la sidérurgie dans les années 1990.

L’autre souci, c’est la piètre qualité des produits livrés par ces deux plateformes chinoises… En particulier pour les jouets destinés aux enfants. En effet, 86% de ces jouets ne respectent pas les normes de sécurité européennes. De plus, ces produits à bas prix sont le fruit de pratiques qui ignorent les normes sociales et environnementales. Face à ces dérives, le pouvoir d’achat semble pourtant primer pour de nombreux consommateurs, même au détriment de la qualité et de l’éthique.

La dualité du consommateur européen

Cette situation met en lumière un paradoxe : le citoyen-consommateur, qui réclame souvent des normes plus strictes, se révèle aussi pragmatique dans ses choix. Il souhaite des prix bas avant tout, incarnant parfois lui-même une sorte de Dr. Jekyll et Mister Hyde. Il n’a donc pas de leçon à donner à nos politiques…

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