Amid Faljaoui

La justice occidentale se réveille et n’hésite plus à attaquer durement les géants du Net

C’est la première fois que la justice occidentale ne prend plus de gants à l’égard des géants de la tech, à croire qu’un déclic psychologique a eu lieu pour je ne sais quelle raison.

Il y a quelques jours à peine, il y a eu la mise en examen de Pavel Dourov, le PDG de la messagerie Telegram (une messagerie supposée être plus sûre en matière de cryptage que WhatsApp et qui a 950 millions d’utilisateurs dans le monde). Le patron de Telegram a été cueilli lors de son atterrissage à Paris par la justice française et il a depuis lors l’interdiction de sortir de France tant que l’enquête  judiciaire n’est pas terminée. Pavel Dourov est accusé de complicité via sa plateforme Telegram qui aurait permis des transactions illicites, la diffusion d’images pédopornographiques et le trafic en bande organisée. Ce n’est pas mal comme accusation même si ses avocats tenteront de démontrer que le PDG n’est pas responsable de ce qui se passe sur sa plateforme.

Puis, nouveau coup de tonnerre, peu de temps après, la planète entière découvre qu’un juge brésilien a suspendu le réseau X, l’ex-Twitter, au Brésil. Elon Musk, le propriétaire de X est furieux et parle d’une décision politique. Suspendre X du Brésil, c’est suspendre son 4e marché mondial avec 22 millions d’utilisateurs. X est, je vous le rappelle, ce réseau très apprécié des politiques et des journalistes ;  seulement voilà, ce juge brésilien estime que ce réseau n’est pas modéré comme il faut et qu’il laisse trop libre cours à la désinformation.

En fait, ces deux coups de tonnerre suscitent déjà beaucoup de commentaires. Certains y voient enfin le retour des États qui, trop longtemps, se sont fait marcher sur les pieds par ces géants de la tech. On a même pensé que ces géants de la tech avaient remplacé nos États pour de bon. Mais le télescopage de ces deux événements montre au contraire que si les Etats sont faibles, nos appareils judiciaires ne le sont pas.

Au fond, ces deux événements mettent en avant la thèse d’un livre de Christine Kerdellant, que je vous recommande de lire en urgence. Ce livre parle de ces 6 milliardaires plus forts que les États (elle parle bien entendu d’Elon Musk, le patron de Tesla et X, de Jeff Bezos, le patron d’Amazon, de Marck Zuckerberg, le patron de Facebook-Meta, de Serguei Brin et Larry Page, les patrons de Google), à l’inverse des autres patrons, ceux-ci ne sont pas seulement riches et puissants, ces 6 patrons ne se contentent pas de cela, ils veulent aussi imposer leur modèle de société ou leur vision du monde. Et cela, c’est nouveau dans l’histoire du capitalisme.

Un seul exemple, Elon Musk est le propriétaire de Space X, la société qui envoie des centaines de satellites dans l’espace et donc y compris au-dessus de l’Ukraine. Il y a plus d’un an et demi, Elon Musk a craint que les Ukrainiens n’attaquent une base navale russe dans le sud de l’Ukraine. Selon Christine Kerdellant, Elon Musk aurait eu des contacts avec Poutine ou des proches à lui et qui lui auraient dit que si les Ukrainiens faisaient un « Pearl Harbor » sur les Russes, Moscou allait riposter avec du nucléaire. Et Elon Musk ne voulant pas être responsable d’un nouvel Hiroshima a décidé de couper l’accès à internet sur les zones où les Ukrainiens en avaient besoin pour attaquer. C’est la raison pour laquelle, le ministère de la Défense américaine a aujourd’hui peur de voir autant de pouvoir concentré dans les mains d’un seul homme, un chef d’entreprise qui n’a pas été élu et qui aurait dû juste jouer le rôle de fournisseur d’accès. Pire encore, Elon Musk n’a que 50 ans et sera donc là encore pour quelques décennies.

La question qui se pose aujourd’hui est : est-ce que le numérique doit rester une zone de non-droit ? Les justices brésilienne et française semblent dire que non, et vous vous en pensez quoi ?

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