Avec un prix de 62 dollars pour un baril de Brent, le pétrole n’est vraiment pas cher en ce moment. D’autant plus que l’appréciation de l’euro face au dollar depuis le début de l’année diminue encore la facture en Europe. Concrètement, le prix du baril en euros est 15% moins élevé qu’il y a un an et même près de 25% moins élevé que sa moyenne au cours des cinq dernières années.
La faiblesse relative du prix du pétrole est en partie le reflet de la faible croissance de l’économie mondiale. Mais il faut plutôt regarder du côté de la géopolitique pour mieux comprendre la dynamique à l’œuvre actuellement. Le retour au pouvoir de Trump cette année se traduit par son ambition de freiner le développement d’énergies renouvelables et de pousser la production américaine de pétrole (on se souvient de son fameux “Drill, Baby, Drill !”). En réponse, les pays de l’Opep+ (pays de l’Opep+, Russie et quelques autres) annoncent, mois après mois, une augmentation de leur production.
A priori, dans un contexte de croissance modérée de la demande, l’augmentation de la production des pays de l’Opep+ est contre-intuitive, puisqu’elle maintient une pression baissière sur le prix et ne maximise pas leur rente. On pourrait penser que la volonté de Trump de garantir un prix bas de l’énergie force les pays producteurs à agir de la sorte. Mais en fait, loin d’être inféodé au président américain, l’Opep+ (et en particulier l’Arabie saoudite) entend justement préserver ses parts de marché face à la menace d’une montée en puissance des États-Unis.
Or, le talon d’Achille de la production américaine, c’est le coût de production, bien plus élevé que dans de nombreux autres pays. Si le prix du pétrole reste (trop) bas, les producteurs américains préfèrent distribuer leur rente pétrolière à leurs actionnaires plutôt que d’investir dans de nouvelles capacités d’extraction. De fait, le nombre de puits de pétrole en activité aux États-Unis a diminué de près de 15% depuis le début de l’année, et il faut remonter à la période du covid pour retrouver une activité aussi faible dans le secteur.
Si le prix du pétrole reste bas, les producteurs américains préfèrent distribuer leur rente pétrolière à leurs actionnaires plutôt que d’investir dans de nouvelles capacités d’extraction.
Au final, le consommateur n’a que faire des raisons qui poussent les prix à la baisse. Le principal, c’est qu’ils baissent ! De fait, la faiblesse actuelle du prix du pétrole soulage le pouvoir d’achat des ménages. C’est une des explications possibles de la hausse de la confiance des consommateurs (surtout en Belgique) dans un contexte pourtant tendu, tant sur le plan géopolitique que social. Pour les entreprises, dans l’industrie en particulier, cette faiblesse est également la bienvenue. Elle leur donne un peu d’oxygène, alors que leur compétitivité est menacée tant par les droits de douane imposés par les États-Unis que par les multiples réglementations. Bref, le maintien d’un prix modéré de l’énergie joue favorablement sur la conjoncture en zone euro.
Mais les conséquences économiques de cette situation ne s’arrêtent pas là. C’est une fameuse épine dans le pied du développement d’énergies alternatives, dont la rentabilité des investissements est mise à mal par le faible prix des énergies fossiles. Certes, la situation devrait changer en 2027, lorsque l’Europe étendra son marché carbone aux secteurs de l’énergie et des transports. Encore faudra-t-il que cette mesure entre vraiment en application. Et d’ici-là, l’abondance de nouvelles capacités d’extraction et de transport de gaz et la volonté de maintenir un prix faible du pétrole continuera d’être un frein aux investissements en énergies alternatives. Et ceci maintiendra notre dépendance aux énergies fossiles et à leurs producteurs, ce qui nous ramène aux questions de géopolitique…
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