Amid Faljaoui

La France en difficulté : miroir de la Belgique ?

La France va mal. En tant que Belge, cet état de fait ne nous réjouit pas. Au-delà des liens affectifs et culturels qui nous lient à ce pays, la France est aussi l’un de nos plus importants partenaires économiques. Et comme c’est également la deuxième économie de la zone euro, quand la France va mal, la Belgique en pâtit aussi par ricochet.

Nos lecteurs plus distraits diront que la France ira mieux maintenant qu’elle a enfin un gouvernement après trois ans et demi d’hystérisation politique. Euh, pas sûr. Pas sûr du tout même. Pourquoi ? Parce que les élites françaises sont en plein déni de la réalité. Regardez tous ces ministres sortants : aucun d’entre eux n’a fait de mea culpa. Aucun. Au contraire, ils se félicitent chacun d’avoir pu obtenir plus de moyens pour leur ministère.

Le ministre de la Justice sortant a même déclaré que revoir les moyens attribués à la Justice serait « une trahison ». Quant à celui de l’Éducation nationale, il a demandé à son successeur de « sanctuariser » le nouveau budget. Bref, le navire France coule sous le poids des dépenses, mais le mot d’ordre est : « touche pas à mes crédits, et s’il faut faire des économies, ce sera pour les autres ».

C’est complètement dingue comme attitude, car comme par miracle, le nouveau gouvernement découvre – en même temps, comme dirait Emmanuel Macron – que la situation budgétaire de la France est plus grave que prévu. En d’autres termes, malgré son armada de fonctionnaires, d’énarques ultra-diplômés et ultra-bien payés, personne en France n’avait remarqué la gravité de la situation.

Pire encore, début juin, l’ancien ministre des Finances parlait d’un déficit de 5,1 %, et là, en septembre – ô surprise – le même déficit explose à 6 %. En France, les observateurs se demandent : comment est-il possible que personne n’ait vu arriver ce dérapage budgétaire ?

Soit le gouvernement sortant connaissait le chiffre exact et ne l’a pas communiqué pour des raisons politiques (élections européennes). Ce qui, en soi, est très grave : c’est de la dissimulation, un mensonge dramatique. Soit c’est de l’incompétence, ce qui serait tout aussi grave. Bien entendu, vu la qualité des hauts fonctionnaires qui travaillent à Bercy (ministère des Finances), on optera pour la première solution : le mensonge ou la dissimulation.

Mais à côté de cette première insulte à l’égard de la population française, et même de l’Europe, qui ne pourra plus faire confiance aux chiffres avancés par le gouvernement, la France subit une deuxième humiliation. Elle emprunte à 10 ans sur le marché des capitaux avec le même taux d’intérêt que l’Espagne. Or, vous savez que pour les investisseurs, le taux d’intérêt le plus important est celui à 10 ans, c’est en effet le taux principal d’emprunt pour un pays.

Voir aujourd’hui la France, deuxième puissance économique de la zone euro, emprunter avec le même taux d’intérêt que l’Espagne, un pays qui était en quasi-faillite lors de la crise de l’euro en 2010, montre à quel point la France est moins crédible auprès des investisseurs.

La France, comme la Belgique d’ailleurs, reste dans le déni. Pourtant, la hausse des taux n’est ni abstraite ni anecdotique. Aujourd’hui, la France paie environ 50 milliards d’euros par an en charge d’intérêts, mais en 2027, cette charge passera à 80 milliards d’euros par an. Bref, il faudra soit couper drastiquement les dépenses, soit augmenter les impôts dans un pays déjà surtaxé, comme la Belgique. Ou bien faire un mélange des deux.

Et comme l’écrit joliment l’économiste libéral Olivier Babeau : « Comme nous restons dans le déni, nous dévorons le futur pour nous payer le présent ». Il ajoute, et cette phrase vaut aussi pour le futur gouvernement en Belgique : « Ce qui nous manque, ce ne sont pas les moyens, mais le courage ».

Olivier Babeau a raison de noter que « depuis toujours, le gouvernement ne fait pas d’efforts là où ils sont le plus nécessaires et le moins nuisibles, mais là où ils sont les plus faciles à faire ». Autrement dit, en France comme en Belgique, tout ne finit pas par des chansons, mais par plus… d’impôts.

Pour paraphraser les génériques d’avertissement des anciens films : « Toute ressemblance avec un pays proche de la France ne serait que purement fortuite ».

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