La fin de la gratuité des réseaux sociaux, vraiment ?
Durant des années, les réseaux sociaux ont tablé leur modèle sur la gratuité. Les choses semblent sur le point de changer. Ou n’est-ce là qu’une énième pirouette ?
Ne dit-on pas « on n’a qu’une seule parole. C’est pourquoi il faut parfois la reprendre pour mieux la redonner » ? C’est un peu ce que l’on constate au niveau du modèle économique des réseaux sociaux. Pendant des années, les réseaux sociaux nous ont promis de nous mettre gratuitement en contact permanent avec nos amis et autres relations. La seule condition était d’accepter d’être un produit. Autrement dit nous ne devions rien payer pour pouvoir être sur Facebook, Twitter, Snapchat et autre Instagram, mais, en contrepartie, les propriétaires de ces réseaux sociaux vendaient nos données numériques aux annonceurs pour une publicité ciblée.
Et le moins que l’on puisse dire c’est que Meta a bien gagné sa vie grâce à ce modèle de la gratuité. En 2022, selon mes confrères du Figaro, Meta a réalisé 117 milliards de dollars de revenus. Et chacun de ses utilisateurs, c’est à dire vous et moi, enfin pas moi, car je ne suis pas sur Meta, lui a rapporté en moyenne 220 dollars par an. Comme quoi le gratuit, cela paie. Mais voilà, les gens derrière ces réseaux sociaux savent compter et surtout anticiper. Or il se trouve que quelques faibles signaux montrent que l’audience de ces réseaux sociaux semble atteindre un plateau, surtout en Europe et aux États-Unis. En d’autres mots, le fleuve commence lentement encore, mais sûrement, à se tarir.
Et même si la reprise par Elon Musk de Twitter a été une catastrophe et que les abonnements ont fini de faire fuir les annonceurs, il n’est pourtant pas le seul à envisager la fin d’une gratuité totale. Facebook (alias Meta) et les autres commencent, eux aussi, à proposer des formules payantes. Pour l’instant, il ne s’agit encore souvent que de formules qui vous garantissent un plus grand confort. Par exemple en supprimant la publicité ou en offrant la possibilité que vos posts soient mieux mis en avant. Reste à savoir, si à force de nous avoir habitués à ne rien payer, tous ces abonnements de 8 à 20 euros par mois vont inciter les internautes à ouvrir leur porte-monnaie. Rien n’est moins sûr. À moins que Meta et tous les autres commencent à dégrader volontairement l’offre gratuite. Mais, là aussi, c’est peu probable. Le service payant, via abonnement, doit donc plutôt être vu comme une manière d’augmenter et de diversifier les revenus de ces géants du Net que sont Instagram, Snapchat ou encore Meta.
En réalité, ces réseaux n’ont pas trop intérêt à devenir des plateformes de streaming en ligne. Or c’est ce qu’ils deviendraient s’ils passaient à une formule abonnement obligatoire comme pour Netflix ou Disney +. Car, ce faisant, ils délaisseraient leur statut d’hébergeur pour passer à celui d’éditeur. Or si en tant qu’hébergeur ils ne sont pas responsables des contenus publiés, il n’en va pas de même s’ils sont éditeurs. Et voir sa responsabilité engagée, c’est tout de suite beaucoup moins drôle. D’autant qu’une étude récente de Newsguard, évoquée par Le Figaro, montre que 75% des fausses informations sur le conflit actuel du Proche-Orient proviennent de compte Premium. Autrement dit, les gens qui prennent un abonnement sont ceux qui désinforment le plus. Rien de surprenant là-dedans puisque, comme ils ont un abonnement, leur contenu est mis en priorité en avant par ces réseaux asociaux.
L’économie de l’attention, dans laquelle nous sommes entrés depuis quelques années, est décidément pleine de surprise et de dangers méconnus.
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