Amid Faljaoui
La désinformation va grimper de manière folle. Voici pourquoi !
Je parle rarement de mon métier, mais en cette fin d’année 2023, je dois bien constater que nous sommes dans un monde où la « mauvaise information chasse la bonne » comme le prédisait l’économiste Gresham, pour la monnaie.
Bien sûr, les infos bidon, fausses, il y en a eu de tous les temps, mais avec l’intelligence artificielle, combinée à la puissance de ces réseaux sociaux, nous allons assister à une montée de la désinformation comme jamais auparavant. Déjà les algorithmes ont tendance à enfermer leurs utilisateurs dans des bulles cognitives. Forcément, ces algorithmes sont conçus pour proposer des contenus qui plaisent en fonction de l’engagement. Mais le gros « hic » pour nos démocraties, c’est que l’engagement est suscité par des contenus choquants, blessants, outrageux, partiaux. Or, les réseaux sociaux, qui véhiculent ces contenus – non vérifiés par définition –, prennent chaque jour davantage de place auprès des jeunes qui avouent ne s’informer que par ce biais. Quant aux lecteurs plus âgés, ils sont souvent en mode défiance à l’égard des médias traditionnels.
Et comme si cela ne suffisait pas, les réseaux asociaux sont gratuits alors que les médias traditionnels font payer leurs informations sourcées ; il y a, comme disent les économistes, une asymétrie propice à la montée de la désinformation.
Au final, comme le prédit le Docteur Laurent Alexandre, grand spécialiste de l’intelligence artificielle, « seule une petite élite souvent anglo-saxonne a accès à une information payante de grande qualité. Les lecteurs des grands médias anglo-saxons – The Economist, New York Times, Financial Times, Foreign Affairs – bénéficient d’un regard différent sur le monde, ce qui aggrave le fossé entre les élites et classes moyennes et populaires ». Bien entendu, j’ajouterai à cette liste de médias, quelques quotidiens ou magazines francophones.
Mais le constat du Docteur Laurent Alexandre est ébouriffant. Les inégalités vont en effet s’accentuer via l’information. Pas parce qu’elle est indisponible, mais au contraire, parce qu’elle est foisonnante, débridée, ultra partiale, non vérifiée et ayant – merci ChatGPT ou Mid Journey – de plus en plus l’apparence de la vérité.
Bref, après le Fast Food, voici l’ère du Fast News qui sera en plus du Fast Fake. Quant à ChatGPT, il va encore plus fragiliser le mode économique des médias, car à l’inverse de Google, ChatGPT ne renvoie pas les lecteurs vers les sites web des médias. La raison ? ChatGPT fournit une réponse directe, en synthétisant la connaissance mondiale. Bref, comme il ne renvoie plus aux sites web de ces médias, le chiffre d’affaires de ceux-ci va chuter de plus belle.
Les médias les plus fragiles sont déjà tentés de se lancer dans la surenchère avec les réseaux asociaux. Ils ne le savent pas, mais ils sont perdants et pire encore, ils aggravent la méfiance à l’égard des médias classiques. Les quotidiens et magazines de qualité (oui, oui, il en reste encore, et fort heureusement) ont compris depuis longtemps qu’ils ont perdu le monopole de l’information. Mais heureusement pas celui de l’intelligence. Et comme de humbles artisans, les bons journalistes vont sur place, rencontrent des gens de chair et de sang, et évitent, comme la peste, l’information inutile, celle qui nous fatigue par sa vacuité.
Bien sûr, cette information de qualité a un prix, mais ce prix, c’est celui de votre liberté. La liberté de réfléchir et d’agir autrement que les autres. Car comme le disait je ne sais plus quel humoriste, « à force de vouloir entrer dans le moule, on finit par ressembler à une tarte ».
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