Amid Faljaoui

La défense, ce secteur mal aimé des banques

Le secteur de la défense est souvent perçu comme le mal-aimé du budget de l’État, et il en va de même pour les banques. En effet, ce domaine a longtemps été négligé par les pouvoirs publics.

Pendant plus de 30 ans, la Belgique a sous-investi dans ce secteur, avec des dépenses ne représentant que 1,13 % du PIB. Ce chiffre, bien que récent, est en deçà des attentes de l’OTAN qui demande à ses membres de consacrer 2 % de leur PIB à la défense.

Le désengagement des banques et le label vert

En parallèle, les banques, et particulièrement les banques belges, se sont progressivement désengagées du secteur de l’armement. Contrairement aux idées reçues, aucune législation n’interdit expressément aux institutions financières d’investir dans des entreprises de défense, qu’elles soient belges ou européennes. Cependant, dans une volonté de s’aligner avec les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), de nombreuses banques préfèrent obtenir un label vert ou durable pour séduire leur clientèle. Ainsi, elles évitent de s’associer à un secteur perçu comme peu compatible avec un investissement éthique.

L’impact de la guerre en Ukraine

L’invasion de l’Ukraine a bouleversé cette dynamique. Même les jeunes générations, qui croyaient naïvement en une paix éternelle en Europe, ont commencé à réaliser la nécessité de se défendre face à une menace potentielle, qu’elle vienne de la Russie ou d’un autre belligérant. Cette prise de conscience généralisée met en évidence un paradoxe : si vous demandez à quelqu’un dans la rue si la production d’armes est durable ou morale, la réponse sera probablement négative. Mais, en reformulant la question en termes de nécessité de défense pour garantir la paix et la sécurité en Europe, la réponse est un oui unanime.

La réévaluation de l’industrie de l’armement en Belgique

La guerre en Ukraine a, de fait, joué le rôle d’une campagne de communication involontaire en faveur de l’industrie de l’armement. En Belgique, et notamment en Wallonie, ce secteur est solide, mais il a longtemps été critiqué, y compris par les politiques francophones et les autorités flamandes. De rares banques finançaient encore ces entreprises, et cela avec une certaine réticence. Aujourd’hui, les mentalités changent. Par exemple, une ministre socialiste de la Défense affiche désormais son soutien sans complexe à ces entreprises.

Vers une prise de conscience collective

Cette évolution n’est pas seulement politique. Une enquête du journal économique flamand De Tijd révèle que les banques belges sont désormais plus enclines à financer les fabricants d’armes. Même si ces changements sont lents et progressifs, ils sont portés par la réalité. En effet, la pandémie de COVID-19 nous a fait réaliser notre dépendance excessive à la Chine pour les médicaments et les équipements médicaux, tandis que la guerre en Ukraine a mis en lumière notre dépendance vis-à-vis des États-Unis pour l’armement. Aujourd’hui, plus de 60 % des équipements militaires européens proviennent des États-Unis, alors que des pays comme la France, le Royaume-Uni ou même la Belgique possèdent une industrie de la défense performante.

Comme le dit un vieil adage : personne n’aime les guerriers, sauf lorsque l’ennemi est à nos portes. Ce dicton illustre bien l’évolution des perceptions autour du secteur de la défense. La guerre en Ukraine a initié un changement de paradigme, et il semble que les banques, les politiques et la société civile commencent à prendre conscience de la nécessité d’un secteur de la défense solide et efficace pour garantir la sécurité et la liberté en Europe.

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