Amid Faljaoui

Kidnap crypto: le Bitcoin coûte un doigt

Imaginez : votre tirelire ne pèse plus une tonne d’or, elle tient uniquement dans douze petits mots, autrement dit, votre code secret pour vos cryptomonnaies. Mais voilà, quelqu’un vous les fait répéter au couteau… et tout votre patrimoine s’évapore.

C’est le film d’horreur, bien réel, qui secoue la planète crypto depuis quelques semaines. Début mai, en plein Paris, des ravisseurs ont sectionné le doigt d’un père pour débloquer le portefeuille numérique de son fils, raconte Le Figaro. Trois mois plus tôt, l’ex-cofondateur de Ledger, une société spécialisée dans la conception et la commercialisation de portefeuilles physiques de cryptomonnaies subissait la même brutalité : agression, rançon, et phalange sacrifiée.

La France n’est pas seule sur l’affiche des violences physiques au Bitcoin. Au Québec, un modérateur de forum crypto a échappé de justesse aux pinces coupantes. En Ukraine, un jeune homme a été tué pour quelques bitcoins. Et en Argentine, un influenceur a été retrouvé démembré dans une valise. Partout où la richesse tient dans un code, le « kidnap-minute » fait recette.

Pourquoi cette montée de la violence ?

  1. Parce que dans le monde de la cryptomonnaie, la valeur est portable : plus de lingots à charger, juste un mot de passe à soutirer dans un sous-sol.
  2. Parce que le public s’élargit : 18 % des Français détiennent déjà des cryptos, d’après le consultant Gemini ; un bel annuaire pour les apprentis bandits.
  3. Et puis l’étalage permanent : comme des selfies devant une belle voiture de sport ou une grosse villa ou d’autres maladresses sur les réseaux sociaux…  et hop, les malfaiteurs n’ont besoin que de quelques recoupements et l’adresse s’affiche sur Google Maps.

Devant ce risque, certains influenceurs ou investisseurs dans la cryptomonnaie songent à plier bagage vers Dubaï, Monaco ou ailleurs. C’est un mauvais calcul : les ravisseurs ciblent souvent les proches restés au pays — parents, conjoint, enfants — et l’anonymat total n’existe pas. Les registres d’entreprises, les données fiscales, les photos de soirées : on retrouve vite un nom, une rue, et un étage.

Le paradoxe est cruel : la crypto vit de visibilité — pour lever des fonds ou inspirer confiance — mais réclame maintenant la discrétion d’un coffre-fort. Et de fait, ce secteur, longtemps aussi bling-bling qu’un vestiaire de footballeurs, doit apprendre la sobriété, mais sans devenir invisible.

Concrètement, il y a trois réflexes simples à adopter :

• Parler le moins possible de ses gains et de ses adresses.
• Séparer les usages : un petit compte « de poche » pour payer les petites dépenses, et un vrai coffre hors ligne pour le gros du pactole.
• Installer une double validation pour tout transfert important : deux personnes ou deux appareils doivent confirmer avant que les fonds ne bougent.

Du côté des autorités, l’Europe prépare la directive DAC 8 : les plateformes devront signaler en quasi temps réel les mouvements suspects. De quoi aider la police, mais la technologie ne remplace pas le bon sens : protéger sa phrase secrète, former et informer ses proches, vérifier ses serrures.

Moralité : que vous possédiez quelques euros en cryptomonnaies ou des montants plus conséquents, retenez qu’il faut accumuler les précautions autant que la monnaie virtuelle. Un portefeuille bien caché vaudra toujours mieux qu’un bandage flambant neuf ; et vos dix doigts vous en seront reconnaissants. Et, comme le rappellent encore mes confrères du Figaro, certains investisseurs en cryptomonnaies dorment aujourd’hui la lumière allumée — peut-être suffirait-il surtout d’éteindre les projecteurs des réseaux sociaux.

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