Amid Faljaoui
KBC et l’histoire de l’épargnant belge grugé par son ministre des Finances
La chronique de ce jour, je pourrai la démarrer comme les blagues du regretté Coluche, par un : « c’est l’histoire d’un mec, etc. » Oui, sauf que le mec, c’est vous, c’est moi, et que la fin de cette histoire n’est pas drôle du tout.
Vous vous souvenez du bon d’État, lancé par notre ministre des Finances et qui rapportait 2,81% de rendement net. A l’époque, tout le monde s’en souvient, la majorité de la population se plaignait des banquiers et de leur inertie à relever le rendement des comptes d’épargne. Le citoyen savait que les taux d’intérêt étaient en train d’augmenter rapidement, mais il se demandait pourquoi les banques étaient si rapides à répercuter cette hausse sur les crédits, notamment hypothécaires, mais quand il s’agissait d’aussi augmenter le rendement des comptes d’épargne, là les banques étaient aux abonnés absents.
Bien sûr, les banquiers nous donnaient des tas d’explications techniques pour expliquer le fait qu’elles n’augmentaient pas le rendement de notre épargne, mais l’explication ne passait pas, et disons-le, elle n’était même pas écoutée par le citoyen. En revanche, notre ministre des Finances, qui a raté sa réforme fiscale puisqu’elle n’a pas eu lieu, a compris qu’il pouvait sauver sa réputation, et donc son avenir électoral. Ni une ni deux, il a lancé un bon d’Etat, qui rapportait 2,81% net et qui a été un succès massif puisque le ministre (à son grand étonnement) a récolté 22 milliards d’euros en quelques jours. Même la presse étrangère a parlé de cet exploit.
Les banques ont râlé, car elles ont perdu des fonds, qui sont partis vers ce fameux bon d’État. Mes confrères du quotidien économique l’Echo ont calculé que les banques belges ont perdu au total 31 milliards d’euros, qui ont quitté leurs comptes d’épargne. Et pour éviter une autre hémorragie, toutes les banques ont fini par augmenter le rendement de leurs comptes d’épargne.
Vous me direz que c’est tant pis pour les banquiers et tant mieux pour l’épargnant ? Justement, c’est ici que l’histoire à la Coluche se termine mal, comme l’a fait remarquer Sébastien Buron, journaliste au magazine économique Trends-Tendances : en finance, il n’y a pas de repas gratuit, ce qui se perd d’une main se rattrape de l’autre.
La preuve, on a appris hier que la banque KBC (la deuxième plus importante de Belgique) a décidé d’augmenter les frais de ces packs bancaires. Ce n’est pas un hasard, la banque KBC a elle-même avoué avoir perdu 5,7 milliards d’euros, qui ont quitté la banque, à cause du bon d’État. Ce qui veut dire qu’en finance, il n’y a pas de miracle… Ce que vient de faire KBC, d’autres banques vont aussi le faire ; à savoir, augmenter les frais bancaires.
Morale de l’histoire : c’est l’histoire d’un mec, un épargnant belge, qui croyait aux miracles promis par son ministre des Finances, mais qui découvre au final que l’histoire de l’arroseur arrosé existe toujours. Au final, c’est le client de la banque lui-même qui finance, via ses frais bancaires, l’amélioration du rendement de son propre compte. Le ministre des Finances a remporté une victoire à la Pyrrhus ; c’est une expression qui désigne les victoires obtenues au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu’elle équivaut en réalité à une défaite.
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