En France, le moral n’est pas au beau fixe. Le gouvernement Bayrou est tombé. Quelques mois à peine après sa nomination, il a subi le même sort que Michel Barnier avant lui, renversé au bout de 99 jours. Cela commence à ressembler à une mécanique bien connue dans l’histoire de France.
Mon commentateur boursier préféré, Marc Fiorentino, a fait le parallèle avec la IVᵉ République. Et il n’a pas tort. La IVᵉ République, c’était entre 1946 et 1958 : 24 gouvernements en 12 ans, une moyenne de six mois de survie. Pourquoi ? Parce que le président de la République avait peu de pouvoirs, le président du Conseil dépendait en permanence de l’Assemblée nationale, et les coalitions étaient fragiles. Résultat : une instabilité politique chronique.
Aujourd’hui, la France semble faire un retour en arrière dans le temps. Un exécutif faible, des partis fragmentés, et des gouvernements qui tombent les uns après les autres. À une différence près. Dans les années cinquante, malgré cette instabilité, l’économie française allait très bien. Le pays était en reconstruction, la croissance était forte, c’était le début des Trente Glorieuses. Autrement dit, la politique tanguait, mais l’économie avançait.
L’instabilité politique pèse directement sur l’économie
Aujourd’hui, c’est l’inverse. L’instabilité politique pèse directement sur l’économie. Les entreprises retardent leurs décisions, les investisseurs hésitent, les ménages s’inquiètent. Et surtout, le regard des marchés financiers a changé.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Financial Times. Dans un article très commenté, le FT explique que la France n’est plus considérée comme un pays “core”, autrement dit un pays “noyau” de la zone euro, mais comme un pays “périphérique”. Qu’est-ce que cela signifie ? Dans la zone euro, les pays sont classés en deux catégories. D’un côté, le “core”, le noyau dur : l’Allemagne, les Pays-Bas, des pays jugés stables, sérieux et fiables. De l’autre, la “périphérie” : l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, des pays perçus comme plus fragiles, plus risqués.
Jusqu’ici, la France faisait partie du “noyau”, un peu par défaut : pas parce qu’elle gérait ses finances publiques de manière exemplaire, mais parce qu’elle était adossée à l’Allemagne, dont elle profitait de la crédibilité. Aujourd’hui, c’est fini. Les investisseurs considèrent que la France a basculé du côté de la périphérie. Et les taux d’intérêt le confirment : la France emprunte désormais au même coût que l’Italie… et même plus cher que la Grèce.
Ils devront trouver de l’argent, et vite
C’est une évolution majeure. Pourquoi ? Parce que le coût de la dette détermine ce que l’État peut financer, et parce qu’il influence l’ensemble de l’économie. Quand les taux montent, tout devient plus difficile : financer des projets, investir, embaucher.
Et comme si cela ne suffisait pas, il faut ajouter une autre conséquence : face à des finances publiques déjà fragiles et à des taux d’intérêt à long terme qui grimpent, les prochains gouvernements n’auront pas beaucoup d’options. Ils devront trouver de l’argent, et vite. Ce qui veut dire, concrètement, que la pression fiscale augmentera. Les “riches”, les “boomers” et les entreprises qui font encore des profits seront les premiers visés.
Voilà donc la situation aujourd’hui : une France qui, politiquement, rejoue la IVᵉ République, mais sans le soutien d’une croissance forte. Et une France qui, économiquement, glisse du cœur de la zone euro vers sa périphérie.
La leçon est claire : on peut supporter une instabilité politique quand l’économie est solide. Mais quand l’économie est fragile, l’instabilité devient un handicap majeur. Et cette fois, les marchés ne nous laissent aucune marge. J’espère qu’à Bruxelles, ceux et celles qui nous empêchent d’avoir un gouvernement regional vont aussi comprendre ce message subliminal.