Amid Faljaoui
Interdiction de TikTok, l’hypocrisie des politiques et leur marketing de la peur
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais en matière de réseaux sociaux, la règle de nos politiques, c’est “faites ce que je vous dis, mais pas ce que je fais”.
Prenez le cas de TikTok : à écouter la plupart des gouvernements occidentaux, cette appli chinoise n’est là que pour piquer nos données numériques au profit du parti communiste chinois. Donc, ni une ni deux, aux États-Unis, au Canada, à la Commission européenne, en Belgique ou encore en France pour ne citer que quelques pays, il est exigé, même pas demandé, exigé, de la part des fonctionnaires de ces pays de ne plus utiliser TikTok et même de retirer l’appli de leur smartphone. Mais pendant ce temps, les politiques, eux, continuent de l’utiliser… Mais attention, pas sur leur portable de fonction, mais sur leur portable privé.
Pour se sortir de ce double discours, qui n’a ni queue ni tête, ces mêmes politiques nous disent qu’ils n’ont pas le choix, ils doivent être là où se trouvent leurs électeurs. Hier, ces politiques allaient à leur rencontre sur les marchés matinaux, maintenant, ils vont à leur rencontre sur TikTok puisque c’est l’appli préférée des jeunes notamment.
Au-delà de l’hypocrisie du discours, ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que grâce aux médias sociaux, les politiques peuvent avoir aussi leur propre média. Ils ne dépendent plus des médias nationaux ou locaux pour faire passer leur message, ils savent aussi, chiffres à l’appui, qu’ils ont parfois plus de succès, de followers comme on dit maintenant, sur les réseaux sociaux, qu’en passant quelques secondes ou quelques minutes sur telle chaîne d’information générale. Et l’avantage des réseaux sociaux, c’est que l’on ne peut pas être contredit par un journaliste ou un expert qui connaît le sujet.
Le vrai souci aujourd’hui, c’est que la politique consiste uniquement à capter l’attention des électeurs. De leur point de vue, ils ont raison, car le marché de l’attention, c’est cela le vrai business aujourd’hui des médias et des réseaux sociaux. Les annonceurs se battent pour la capter et les politiques font exactement la même chose.
Sauf que les politiques, lorsqu’ils ne jouent pas aux pitres, pour se rendre sympathiques aux yeux des jeunes consommateurs de vidéos, genre TikTok, jouent souvent sur la peur. Une partie des médias, et la plupart des réseaux sociaux jouent hélas aussi sur ce marketing de la peur. C’est la raison pour laquelle, vous avez l’impression que les bonnes nouvelles sont chassées par les mauvaises. Normal, notre cerveau reptilien raffole des mauvaises nouvelles comme je l’expliquais récemment encore. C’est normal, comme l’explique Pierre Bentata dans son livre « de l’esprit de servitude au XXIe siècle », nos ancêtres Sapiens devaient rester vigilants pour éviter les animaux sauvages, les plantes nocives ou les attaques des tribus avoisinantes. L’époque a changé, ces dangers n’existent plus, mais nous avons gardé ces réflexes de nos ancêtres, ce qui est normal, car les anciens Sapiens qui n’avaient pas ces réflexes de peur n’ont pas survécu. C’est aussi bête que cela !
Comme il n’y a donc plus de bêtes sauvages à craindre, notre cerveau reptilien s’est tourné vers des drogues de substitution, c’est comme cela, que nous nous injectons chaque jour, par médias et réseaux sociaux interposés, notre dose de vidéos violentes, de documentaires conspirationnistes et d’informations apocalyptiques. Comme l’écrit subtilement Pierre Bentata, « sur les réseaux sociaux, vitesse de réaction et anonymat aidant, chacun devient simultanément consommateur et dealer de peur ». C’est cela le marketing de la peur. Le business des médias s’est transformé – du moins pour certains médias, car je ne voudrais pas les mettre tous sous le même toit – mais c’est vrai qu’en passant du temps long du papier à l’immédiateté du numérique, notre société a facilité la diffusion des peurs. En remplaçant l’écrit par l’image, notre société a renforcé le pouvoir de sidération des mauvaises nouvelles, et cela provoque comme l’écrit encore Pierre Bentata, des embouteillages de catastrophes dans un cerveau dont la vitesse de traitement n’a pas bougé, alors que les informations négatives circulent, elles, à la vitesse de la fibre optique.
J’en parle, car la peur contamine l’avenir en le rendant moins désirable, et c’est là l’un des dangers de ce marché de l’attention qu’est devenu le champ médiatique, mais le citoyen – contrairement à ce qu’il pense – n’est pas condamné à être en sidération, il a le pouvoir d’éteindre son téléviseur ou son smartphone.
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