Bruno Colmant

Intelligence artificielle : où est le gouvernement belge ?

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

L’intelligence artificielle (IA) n’est ni une simple anecdote de l’histoire ni un gadget technologique. C’est une révolution, dont ChatGPT, qui impressionne d’ailleurs la communauté scientifique, n’est que le signe avant-coureur.

Nous sommes confrontés à un bouleversement sociétal probablement plus vaste que les révolutions industrielles (comme la vapeur, le pétrole, l’électricité, le nucléaire et Internet) qui nous ont précédés. Il s’agit désormais d’un renversement qui affectera l’ensemble de nos structures socioétatiques, professionnelles et éducatives.

Mais où en est la Belgique dans sa préparation face à ces réalités ? Apparemment nulle part, car elle est gouvernée par des pouvoirs politiques qui ne semblent pas exercer la vigilance que la population attend d’eux.

Il est grand temps de mettre en place un véritable plan digital pour le Royaume, bien différent des simples réunions du « Digital Minds » qui donnent bonne conscience (je parle en connaissance de cause, j’en ai fait partie au moment de sa création). Il s’agit donc de lancer, au niveau national, une analyse stratégique qui détaillera, secteur par secteur économique, les modifications à anticiper, les opportunités de croissance et de déploiement d’infrastructures, les métiers qui seront affectés, ceux qui devront être créés et ceux qui disparaîtront. Tant d’angles d’approche et de disciplines sont concernés : l’éthique, la sécurité, la santé et la médecine, l’agriculture, la mobilité et le transport, le droit, etc.

Il faut impérativement réfléchir aux effets de l’IA sur l’enseignement. Il ne s’agit pas seulement d’organiser des colloques, mais de faire face à des réalités concrètes. Comment pouvons-nous structurer le partage des connaissances et favoriser le développement social et professionnel autrement que par la simple accumulation de connaissances et de mémorisation, qui sont désormais en grande partie gérées par l’IA ? Comment pouvons-nous former des individus de manière équilibrée et humaniste ? Comment pouvons-nous maintenir un équilibre entre la délégation de certaines capacités cognitives et la pertinence sociale du travail ? Comment pouvons-nous garantir une juste réévaluation des métiers manuels dans un contexte où l’aide aux personnes âgées devient de plus en plus nécessaire en raison du vieillissement de la population ?

Et il y a bien d’autres domaines à prendre en considération, comme la répartition équitable des richesses et des revenus dans ce Nouveau Monde. Les gains de productivité seront indéniables, mais ils risquent d’être capturés par le capital au détriment du travail, créant certainement une élite qui dominera un prolétariat du savoir. Il est illusoire de penser que l’intelligence artificielle ne pourrait pas asservir ceux qui seront réduits à être des auxiliaires dépendant de la machine. Cela nous oblige à réfléchir à la taxation des machines et à leur contribution à l’impôt et à la sécurité sociale.

Cet article est trop court pour couvrir l’ensemble des défis posés par l’IA, car il s’agit d’une perturbation systémique avec de multiples interactions.

La création d’un secrétariat d’État aux compétences transversales et dédié à cette question est une nécessité impérative. Chaque jour d’attentisme ou de pusillanimité  est perdu.

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