Rudy Aernoudt
«Innovation, innovation, innovation», le mantra chinois
En Europe, le mantra “emplois, emplois, emplois” domine encore, tandis qu’en Chine, on serine “innovation, innovation, innovation”. L’époque où la Chine se contentait de produire en masse pendant que l’Europe se concentrait sur la recherche et développement (R&D) est révolue. Chaque entreprise chinoise que j’ai visitée lors d’un récent voyage aime mettre en avant le pourcentage de son personnel dédié à la R&D, celui-ci atteignant parfois plus de la moitié des employés. Voici quelques exemples marquants qui illustrent cette dynamique…
Active depuis 10 ans, Pony.ai est une entreprise spécialisée dans les voitures autonomes. Dans les quatre plus grandes villes de Chine (Pékin, Shanghai, Shenzhen et Guangdong), la législation a été adaptée pour permettre aux véhicules autonomes de circuler librement. Plus de 400 taxis sans chauffeur sont déjà en service. Pony.ai développe l’intelligence artificielle qui pilote ces voitures, et les véhicules eux-mêmes sont des Toyota hybrides ou électriques. D’autres constructeurs automobiles devraient suivre. Des projets pilotes sont en cours, non seulement en Chine, mais aussi à l’étranger, comme aux Émirats arabes unis. En Europe, Pony.ai expérimente au Luxembourg, bénéficiant de subventions européennes. Avec une valorisation estimée à six milliards d’euros, Pony.ai prévoit une introduction en Bourse sur le Nasdaq avant la fin de l’année.
Lorsqu’on pense à Lenovo, on pense immédiatement aux ordinateurs. C’est ainsi que l’entreprise a débuté, ciblant d’abord le marché chinois. Onze business angels ont investi 250.000 euros pour bâtir ce qui est devenu le plus grand fabricant d’ordinateurs en Chine. Aujourd’hui, la division R&D est immense, couvrant des domaines tels que la domotique contrôlée par l’IA et les systèmes informatiques pour véhicules. L’un des projets de Lenovo consiste à construire des ordinateurs sans ventilateurs de refroidissement, utilisant à la place un circuit d’eau froide pour dissiper la chaleur. Cela permet de produire des appareils extrêmement fins.
Ceux qui pensaient que la Chine se contenterait d’être l’usine du monde tandis que la R&D resterait en Europe se sont lourdement trompés.
L’entreprise belge Bekaert possède 17 sites en Chine, répartis dans sept villes. Plus important encore, le plus grand laboratoire de Bekaert se trouve dans l’Empire du Milieu. Avec le poids plus élevé des voitures électriques, les pneus doivent être à la fois plus robustes et plus légers, car les batteries ajoutent déjà une charge considérable. Le laboratoire de Bekaert, où travaillent 90 personnes, s’attèle à relever ce défi.
Chaque ville chinoise dispose d’accélérateurs. Tel celui d’Unido, à Hangzhou, où des collaborations internationales se nouent. Citons le cas de Rilakdekor qui utilise une technologie de peinture dérivée de l’aérospatiale lettone pour offrir une protection environnementale naturelle. Sa peinture a été utilisée dans le nouvel aéroport de Pékin. Ou épinglons encore Huhtamaki, une entreprise finlandaise centenaire spécialisée dans les emballages, qui a lancé, avec une start-up chinoise, une tasse en papier entièrement recyclable.
Ceux qui pensaient que la Chine se contenterait d’être l’usine du monde tandis que la recherche et développement resterait en Europe se sont lourdement trompés. La R&D suit la production. Par ailleurs, la Chine délaisse la production de masse de faible qualité pour se tourner vers des produits de haute qualité et personnalisés. Les droits d’importation peuvent peut-être offrir un soulagement temporaire, mais ils risquent à long terme de ne pas inciter notre industrie européenne à devenir la plus productive. Et c’est là tout l’enjeu : l’innovation est cruciale pour assurer la compétitivité de notre industrie.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici