Typhanie Afschrift

Impôts: les contradictions de Trump

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Chacun sait que Donald Trump n’est pas un libéral. Ni au sens américain ni au sens européen. Aux Etats-Unis, cette notion ressemble plutôt à celle que nous associons au social-démocrate européen. En Europe, un libéral veut un État moins fort et moins taxateur. Certes, entrepreneur, Donald Trump propose des réductions importantes d’impôts pour les entreprises, avec des possibilités de ramener le taux de l’impôt fédéral à 15%. Mais ses projets ne sont pas très clairs dans ce domaine et on explique très peu quelles entreprises pourront bénéficier de ces réductions d’impôts. Il prévoit aussi des réductions d’impôts pour les particuliers, mais là encore, tout est flou et l’on est encore moins certain que ces bonnes intentions seront suivies d’effets. Malgré l’influence d’Elon Musk, il ne faut en effet pas oublier que Trump est avant tout un conservateur, et que son ambition n’est certainement pas, et malheureusement, d’être un nouveau Ronald Reagan.

A côté de ces intentions qui peuvent paraître satisfaisantes pour les contribuables, il y a malheureusement un autre pan de la politique fiscale envisagée par Trump qui représente un grand danger pour les individus et les entreprises. Le futur président ne cesse en effet de clamer qu’il veut augmenter, très sensiblement, les droits de douane. Pour les produits chinois et aussi pour les autres, dont les européens. C’est une très mauvaise nouvelle pour notre continent, dont la productivité s’améliore déjà beaucoup moins vite que celle des États-Unis, et qui devra, en plus, supporter l’effet de normes douanières qui vont nuire à ses exportations.

On se demande comment Trump pourra réaliser son projet de “réindustrialiser l’Amérique” sans main-d’œuvre.

Mais les droits de douane sont aussi une nuisance pour les Américains eux-mêmes. Ce l’est d’abord, bien sûr pour les consommateurs. Les droits de douane finissent toujours par être payés par eux. Soit ils achètent le produit étranger frappé de droits importants, et ils le paient par conséquent beaucoup plus cher. Soit, comme le veut Trump, ils achètent le produit américain correspondant, qui, nécessairement, leur coûte plus cher parce que sinon les États-Unis n’auraient pas de besoin de droits de douane.

Dans les deux cas, le consommateur, c’est-à-dire les particuliers, paieront plus pour avoir le même produit, et bénéficieront moins du jeu de la concurrence. Ils risquent de devoir se contenter de produits de moindre qualité. C’est là un des effets du protectionnisme. Un autre est que les entreprises américaines, protégées par des taxes imposées aux importations, verront moins de raisons d’investir pour innover. Et enfin, il est clair que les autres pays ne se laisseront pas faire et prendront des mesures de rétorsion à l’égard des États-Unis. On ne doutera pas que certains pays prendront des contre-mesures comme l’augmentation des droits d’entrée pour les véhicules électriques américains, ce qui ne plaira certainement pas à Elon Musk, pour l’instant allié de Trump …

Le problème c’est que Trump veut édifier des “murs”. Un mur virtuel pour les marchandises, et un mur bien réel pour les êtres humains. On se demande comment il pourra réaliser son projet de “réindustrialiser l’Amérique” sans main-d’œuvre. Le taux de chômage américain n’est pas très élevé, et, pour faire tourner des usines, l’intelligence artificielle ne suffira pas : il faut aussi des travailleurs, de préférence motivés, qui peuvent se trouver parmi tous les candidats à l’immigration que l’on empêchera d’entrer sur le territoire américain. Dommage pour un pays qui s’est construit sur la base de l’immigration …

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