Bruno Colmant

Il faut une (autre) réforme fiscale

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Le système fiscal belge est caractérisé par une taxation progressive en fonction des barèmes établis. Cela implique que plus une personne a une capacité marginale accrue à épargner, plus elle est imposée. En d’autres termes, nous taxons la propension marginale à épargner, ce qui contraste avec le système américain qui prélève les impôts d’une manière quasi linéaire, indépendamment du niveau de revenu.

Fondé en 1962 à l’issue de débats parlementaires vigoureux, notre système fiscal a subi de nombreuses transformations depuis sa création. Initialement, il se basait sur une taxation globale englobant tous les types de revenus : mobiliers, immobiliers, professionnels et divers. Toutefois, il a évolué vers un système cédulaire, où chaque catégorie de revenus est soumise à des taxations spécifiques. À titre d’exemple, les revenus professionnels sont toujours taxés de manière progressive, tandis que les revenus immobiliers sont principalement imposés de manière forfaitaire grâce au précompte immobilier. Par ailleurs, les revenus mobiliers et divers sont respectivement taxés à des taux de 30 % et entre 16,5 % et 33 %, sous certaines conditions.

Cette transition majeure s’est produite en 1984, principalement pour des raisons budgétaires. Face à une dette grandissante, l’État a dû encourager les citoyens à investir dans les obligations d’État en offrant des avantages fiscaux, réduisant ainsi la taxation sur les revenus issus de ces obligations.

Aujourd’hui, seule la taxation progressive des revenus professionnels demeure, engendrant un sérieux problème d’équité fiscale. Dans la majeure partie du monde, la part des revenus du capital croît au détriment des revenus du travail, exacerbant les inégalités. Il semble donc nécessaire de revisiter l’idée d’une taxation globale, qui prendrait en compte l’ensemble des revenus d’un individu pour évaluer plus justement sa capacité contributive, c’est-à-dire sa capacité à financer les dépenses de l’État.

En outre, le système fiscal actuel ne favorise pas suffisamment l’entrepreneuriat. Il taxe les entrepreneurs de la même manière que les rentiers, sans considérer les risques, l’innovation ou la création de valeur intrinsèque à l’entrepreneuriat. Il est donc impératif de différencier ces deux profils pour encourager davantage l’entrepreneuriat, malgré les défis que cela peut représenter.

Une réforme fiscale efficace devrait non seulement encourager l’entrepreneuriat en capital, mais aussi réduire judicieusement la charge fiscale sur les revenus du travail. Pour ce faire, il serait prudent de rétablir les principes de 1962, en mettant en œuvre une globalisation des revenus. De plus, bien que cela ouvre un débat encore plus complexe et sensible, il serait envisageable d’étendre les contributions à la sécurité sociale aux revenus du capital, qui sont actuellement limitées aux revenus du travail. Cela implique que les revenus du travail, déjà soumis à la taxation progressive, sont également les principaux contributeurs à la sécurité sociale. Afin d’instaurer une réforme fiscale équitable, il serait judicieux de non seulement globaliser les revenus, mais également d’adopter une approche de « méta-globalisation », où chaque contribuable ou assuré est considéré comme une entité unique dont l’ensemble des revenus est imposé. Cela permettrait d’ajuster les contributions à l’État et à la sécurité sociale en fonction des fluctuations de revenus individuels tout au long de leur vie, créant ainsi un système plus équilibré et juste.

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