Bruno Colmant
Il faut un impôt dont la justice et la justesse entraînent le consentement de la population
Le contexte économique des prochaines années est peu favorable. Affaibli par le vieillissement de la population et la baisse des gains de productivité, le taux de croissance de l’économie restera très modeste.
Le taux de croissance sera probablement inférieur au rythme d’élévation des dettes publiques, qui sont elles-mêmes alimentées par des politiques de relance et le coût, encore occulté, des engagements sociaux. La qualité du dialogue social est la condition d’une solidarité reconnue et d’un consentement à la contribution aux exigences et au financement de l’État.
Entre tous, il est certainement un aspect global de la relation de l’individu à l’État qui devra être repensé : c’est la fiscalité et la parafiscalité. Il faut un impôt dont la justice et la justesse entraînent le consentement.
Le devoir fiscal trouve non seulement ses racines dans la loi, mais aussi dans la conscience de chaque individu. Il ramène aux exigences de solidarité sociale et à la justice. Dès qu’une communauté devient économiquement hétérogène, le prélèvement de l’impôt n’est plus concevable sans une contrainte légale.
La loi fiscale, même relevant de la fonction naturelle de l’État, n’est pas neutre en ce qu’elle implique une hiérarchisation complexe des besoins publics. De plus, l’impôt doit être partagé entre des contribuables : sa détermination ne peut être dissociée des tensions entre classes sociales, des individualismes, des modèles politiques et de la nature des représentations populaires. Immanquablement, la fiscalité sert encore d’outil pour un programme socio-économique : elle n’est donc pas idéologiquement impartiale.
Mais alors se pose une autre question : celle de la cohérence de la fiscalité future avec les biens collectifs qui ont été consommés et acquis en contrepartie de cet endettement public gigantesque. L’équité générationnelle sera-t-elle respectée ? Selon quel gradient l’impôt doit-il conserver son caractère d’outil de solidarité ? Doit-il revêtir un rôle redistributif ou incitatif ? Doit-il être moral ou une sanction pénale ? Redistributif ou incitatif ? Quelle sera la contribution relative du travail, de l’épargne et de la consommation ?
Dans ce cadre, et en revenant aux sources théoriques de l’État social, on peut se demander si la fiscalité et la parafiscalité ne devraient pas être agrégées. Aujourd’hui, la fiscalité des personnes physiques se fonde sur la taxation progressive de la capacité contributive. L’impôt croît marginalement au rythme de la capacité d’un contribuable à épargner une partie croissante de son revenu disponible. La parafiscalité relève, quant à elle, de l’assurance, même si les « primes », correspondant essentiellement aux cotisations sociales, sont proportionnelles aux revenus professionnels. Ne devrait-on pas, un jour, fusionner ces systèmes, à savoir que le niveau de revenu conditionne les prestations sociales ? Leur gratuité serait assurée pour les faibles revenus tandis que les hauts revenus seraient moins protégés par l’État. La capacité de formation d’épargne déterminerait alors le bénéfice des biens publics.
Il faudrait que les prestations sociales soient financées par toutes les sources de revenus des personnes physiques et entreprises. Il faut absolument reconnaître le fait qu’il est insensé de faire reposer essentiellement le poids du financement des engagements sur un prélèvement sur le travail. Tout indique que ce financement doit aussi inclure une intervention des revenus du capital : augmentation de la part des revenus du capital au détriment des revenus du travail, inversion des courbes démographiques et vieillissement de la population, baisse tendancielle des gains de productivité, etc.
Mais il faut tirer d’autres lignes de réflexion : pour assurer un consentement à l’impôt démocratique et une transition environnementale démocratique, il faudra peut-être conditionner l’impôt à une empreinte climatique et à des dépenses de base (eau, énergie, etc.) dont le poids devrait peut-être être modulé selon les revenus globalisés.
Il faudrait une fiscalité environnementale plus claire et efficace, car elle possède deux attributs spécifiques : elle doit être stimulante et pénalisante en même temps. Elle doit exercer un pouvoir disciplinant qui entraîne sa disparition. Si un impôt corrige un comportement nuisible, cela signifie qu’il met fin à sa propre existence. Il est, selon l’expression consacrée, biodégradable ou, au risque de formuler un néologisme, fisco-dégradable.
En matière d’impôts indirects, il faudra certainement examiner à nouveau le concept de TVA sociale, qui consisterait à financer une fraction des charges sociales par une augmentation de la TVA sur tous les biens et produits à la charge polluante élevée. On parlerait alors de TVD, c’est-à-dire de Taxe sur la Valeur Dégradée. On devrait idéalement en arriver à une situation où on ne prélève pas la nature plus qu’elle ne peut se reconstituer.
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