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Hystérie du consommateur et Netflixisation de notre économie

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

En cette fin de semaine, j’avais envie de parler de nous les consommateurs. Qu’est-ce qu’on voit avec un peu de recul ? Que nos exigences sont de plus en plus paradoxales

Comme nous sommes tous biberonnés aux services d’Amazon et ses petits frères de l’e-commerce, nous avons appris à vouloir tout, tout de suite et au plus petit prix. Mais comme le réchauffement climatique est passé par là, nous sommes aussi devenus plus exigeants sur les sujets environnementaux et nous essayons tous de consommer mieux.

Or tout cela est paradoxal vu que le culte de l’instantanéité se heurte de face à la notion de consommer mieux. S’il est vrai que pour dénouer ce paradoxe, le consommateur a malgré tout fait naître de nouvelles voies pour favoriser le retour des circuits courts, du consommer local, il s’est aussi un peu détourné de l’achat au profit de la location, surtout les plus jeunes générations. Ce phénomène, on l’appelle la Netflixisation de l’économie. Autrement dit, l’économie de l’abonnement se répand un peu partout aujourd’hui. Au-delà des classiques abonnements liés au monde du divertissement du genre Spotify, Disney +, l’économie de l’abonnement se retrouve aussi dans les livraisons à domicile pour les produits bio, par exemple, ou chez Decathlon pour les articles de sport usagés. Et même Porsche propose en test un service abonnement qui vous permet de changer de voiture Porsche contre un gros 2 mille euros par mois. Le consommateur d’aujourd’hui n’a plus besoin de posséder un bien pour en profiter et son prix à l’usage est nettement moins élevé que l’achat d’un bien neuf en magasin ou en concession. Tout cela est donc positif pour la planète. On avance dans la bonne direction, sauf que c’est une démarche en crabe. Autrement dit, on avance, oui, mais pas toujours de manière élégante et même, parfois, avec l’impression qu’on recule.

C’est notamment le cas pour les relocalisations. Après le COVID, tout le monde n’avait que ce mot à la bouche. Il fallait absolument et très rapidement éviter que des secteurs stratégiques ne soient trop dépendants de certains pays comme la Chine.  Sauf qu’à défaut de rapatrier les usines dans nos pays, ou au moins de les relocaliser pas loin de l’Europe, des sociétés de textile comme ETAM, par exemple, ont recentré leur production en Tunisie. Des constructeurs automobiles – notamment français – ont investi au Maroc et d’autres en Turquie. Ce sont là de belles illustrations d’une avancée façon crabe. Il ne suffit en effet pas de claquer des doigts pour relocaliser. Prenez la Turquie, par exemple. Elle est effectivement aux portes de l’Europe et dispose d’une main-d’œuvre qualifiée, mais quel industriel a envie de fabriquer sur place alors qu’à cause de la politique d’Erdogan, l’inflation caracole à 65% ? Et que dire d’Apple qui a annoncé qu’elle allait produire une bonne partie de ses iPhone 14 en Inde et non plus en Chine ? C’est vrai que c’est une bonne décision si l’on cherche à se diversifier et à éviter une trop grande dépendance à l’égard de la Chine. Sauf qu’Apple découvre aujourd’hui à ses dépens les difficultés du marché indien. Soit une qualité de la production qui n’est pas au rendez-vous et avec de nombreux déchets ainsi qu’une administration ultra-tatillonne qui découragerait les plus motivés.

Enfin, entre nous, avant de penser à relocaliser, les Européens ne feraient-ils pas mieux d’éviter avant tout qu’une deuxième vague de délocalisation ne s’enclenche ? Surtout en sachant que les États-Unis, notre ami et protecteur, cherche à nous piquer nos belles industries. Sous prétexte d’une nouvelle législation anti-inflation, ils ont mis en place des subventions qui peuvent attirer en masse nos plus belles entreprises industrielles.

Entre les slogans politiques – YAKA FOKON – et la réalité du terrain, il y a donc encore un long chemin à parcourir. Autant le savoir et surtout ne pas baisser les bras.

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