Rudy Aernoudt

Guerre tarifaire : les États-Unis seront les grands perdants

Le nouveau président américain a décidé d’imposer des droits de douane de 10% sur les produits fabriqués en Chine et de 25% sur ceux en provenance du Mexique et du Canada. Curieusement, il se tire une balle dans le pied, car le plus grand perdant d’une guerre tarifaire serait l’Amérique.

La part des États-Unis dans les importations mondiales a chuté au cours du siècle, passant de 19,6% en 2000 à 13,5% en 2024. La plupart des économies sont donc plutôt autosuffisantes, ce qui signifie qu’un droit de douane est relativement marginal pour l’économie mondiale dans son ensemble. Cela s’explique par le fait que les pays exportateurs ont trouvé d’autres débouchés. La part de la Chine est de 12,9% et celle de l’UE de 13%. Si l’on inclut le Royaume-Uni, la part de l’UE-28 est même supérieure à celle des États-Unis. En outre, l’Europe conclut de plus en plus d’accords bilatéraux, ce qui réduit sa dépendance à l’égard de la Chine et des États-Unis. Tous ces accords réduisent l’impact des droits de douane américains sur l’Europe.

Les pays exportateurs, confrontés aux droits de douane américains, pourraient prendre des contre-mesures. Cela nuirait aux exportateurs américains et le commerce international diminuerait alors. La part des États-Unis dans les exportations mondiales est passée de 12,5% en 2000 à 8,8% en 2023, un chiffre inférieur à la part des importations mondiales (13,5%). Il faut remonter à 1975 pour trouver une balance commerciale américaine positive. Depuis lors, celle-ci est devenue négative à hauteur de 730 milliards de dollars. Une réduction des échanges aurait donc bien un effet positif sur la balance commerciale, et Trump marquerait bien des points à court terme.

Au vu de la productivité et de la croissance américaine, ces droits de douane sont inutiles d’un point de vue économique.

Toutefois, les droits de douane entraîneraient une hausse des prix à l’importation et auraient donc un effet inflationniste. Les droits de 20% imposés par Trump en 2018 impliquaient que l’importateur américain payait 18,9% de plus, avec une baisse de prix hors tarifs douaniers de seulement 1,1% due à l’évolution du dollar. Les économistes ont déjà revu à la baisse leurs estimations concernant une réduction des taux et ont relevé leurs prévisions d’inflation pour les prochaines années de 2,1% à 2,5%. Par ailleurs, d’autres mesures envisagées par Trump sont également inflationnistes : une baisse des impôts implique plus de pouvoir d’achat et donc potentiellement plus d’inflation, les déportations massives d’étrangers illégaux accentueront les pénuries sur le marché du travail, avec à la clé un effet inflationniste sur les salaires… Ces pressions inflationnistes rendront la Fed réticente à toute nouvelle baisse des taux d’intérêt dans un avenir proche, à l’opposé de ce que souhaite Trump. Enfin, les industries seraient également perturbées par les droits de douane, en particulier celles qui dépendent fortement des produits intermédiaires importés.

Tout cela aurait un impact négatif sur la croissance estimée, dans l’hypothèse de droits de douane de 10%, à 0,3% du PIB (Peterson Institute for International Economics). Un impact négatif trois fois plus élevé que pour les économies chinoise et européenne. Baisse de croissance et hausse de l’inflation aboutiraient donc à une stagflation accrue. In fine, ce serait donc l’économie américaine, et surtout le consommateur américain, qui serait le plus touché par des droits de douane. Au vu de la productivité et de la croissance américaine, nettement supérieures à celles de l’Europe, ces droits, du moins pour les produits européens, sont en fait totalement inutiles d’un point de vue économique. 

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