Eddy Caekelberghs
Good Cops, bad COP ?
Que peut-on espérer de Dubaï 2023 quand, en pratique, nos sociétés (dites « résilientes ») n’envisagent pas de vrais changements de paradigmes ? Comment espérer que nos esprits comprennent que ce n’est même plus l’avenir de nos enfants que nous hypothéquons, mais le nôtre, tant les choses s’accélèrent.
Le quotidien catalan modéré, La Vanguardia, pointe d’énormes contradictions : « Jamais la communauté scientifique et les sociétés n’ont autant pris conscience de l’impératif de sauver la planète. Dans le même temps, de plus en plus de gouvernements et d’entreprises réclament que tout le monde soit soumis aux mêmes mesures pour éviter la concurrence déloyale. Aujourd’hui, des entreprises européennes n’ont plus peur de dire qu’elles décarboneront le jour où les entreprises chinoises en feront de même, pas avant. Les engagements pris sont enfreints à cause de la pénurie d’énergie provoquée par la guerre en Ukraine… Au demeurant, le premier jour de la COP a apporté une bonne nouvelle : un fonds doit être constitué pour les pays les plus vulnérables… Il est certain qu’il est plus facile de sortir le chéquier que de dire adieu aux combustibles fossiles. »
Et le scandale apparent d’une présidence de la COP plus qu’ambiguë sur les énergies fossiles masque mal le véritable problème : nous ne sommes même pas d’accord sur quelles énergies de remplacement nous devrions miser. Nos gouvernements continuent à subventionner les combustibles fossiles tout en se disputant sur la (sur)vie des centrales nucléaires, la disparition de cette filière ou non, voire la nocivité environnementale (ou non) des éoliennes. C’est dire.
L’espoir pourrait aussi venir de Pékin. La Chine est à la pointe des énergies vertes. Elle a dépassé le Japon et est, à présent, le premier exportateur mondial d’automobiles, en dominant le secteur des voitures électriques. The Economist à Londres remarque judicieusement d’ailleurs que : « Désireuse d’être le chef de file du ‘’Sud global’’, la Chine ne voudra pas donner l’impression de négliger une question qui préoccupe nombre de dirigeants des pays en développement.» L’apparition du forum des BRICS dominé par Pékin pourrait y contribuer.
Mais Naftemporiki, le quotidien économique grec, fait part, lui, de son pessimisme : « La ‘’guerre du gaz naturel’’, provoquée par la crise russo-ukrainienne, et le risque de nouveaux chocs pétroliers, sous l’effet des conflits au Proche-Orient [entraîne le fait que] le ‘’nouveau monde vert’’ verra malheureusement le jour plus lentement, et de façon plus limitée que prévu. »
Or il faut un autre récit. Plus réaliste et audacieux. Budgets et recherches coordonnées engrangés. Un récit économique qui anticipe le fait qu’un monde où les glaciers auront fondu, où le niveau des mers grimpera de 66 mètres en conséquence et où les températures seront nettement moins vivables, est un monde économiquement invivable. Les entrepreneurs doivent en être les premiers convaincus. Leurs bénéfices, voire leur existence, demain en dépendent.
Peu importent les alliances de circonstance, ou le caractère opportuniste de telle ou telle capitale : comme le conclut El Mundo à Madrid « L’enjeu consiste à élaborer un récit politique plus persuasif, qui explique pourquoi la décarbonation, en plus d’être un objectif judicieux, aura aussi des retombées économiques positives. Faute d’y parvenir, et après la présidentielle américaine de 2024, on peut craindre que l’enjeu de la COP29 ne soit plus de maintenir les engagements de l’accord de Paris sur le climat, mais de sauver les bribes de ce qu’il en restera. »
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