Amid Faljaoui
Fin des moteurs thermiques : le revirement de l’Allemagne
C’est fait : l’Allemagne a bloqué la fin du moteur thermique. Pourtant, cette décision semblait gravée dans le marbre.
Sans ce revirement de dernier instant cette semaine, l’Europe s’était engagée à interdire la vente de véhicules thermiques neufs en 2035. Nous étions le seul continent à avoir pris ce genre de décision. C’est un revirement comme n’en a jamais vu l’Europe, vu que ce texte avait été approuvé par la Commission européenne, par les Etats membres et par le Parlement européen. Et les Allemands font tout capoter sous prétexte de l’une ou l’autre dérogation. En réalité, l’industrie allemande s’est rendu compte qu’elle allait droit dans le mur.
Jusqu’ici c’était les Italiens qui s’étaient montrés les plus réticents. Ils avaient d’ailleurs obtenu une dérogation appelée “dérogation Ferrari” qui permettait à l’Italie et à son secteur automobile de haut de gamme et de niche (donc moins de 1000 véhicules par an) de bénéficier d’un délai plus long que la date butoir de 2035. On savait aussi que les Polonais et les Bulgares étaient très réticents. Mais ici, avec le refus de dernière minute des Allemands, ce texte visant à interdire les moteurs thermiques en 2035 ne passera pas. Sans l’Allemagne, il n’y a plus de majorité qualifiée, car pour que le texte passe il faut l’accord de 55% des Etats membres qui représentent 65% de la population européenne.
Ce revirement de dernière minute ne réjouit personne, car il montre une fois de plus que les politiques décident trop souvent sous le coup de l’émotion, de l’ambiance du moment et sans faire une étude d’impact sur les jobs perdus, sur les sous-traitants qui vont mourir ou sur le fait que les classes populaires et moyennes n’auront plus accès à la voiture qui va devenir un moyen de transport pour riche vu que tout le monde ne peut pas se permettre d’acheter une Tesla. Et je ne parle pas du risque de voir les voitures chinoises électriques rafler le marché et détruire l’un des rares secteurs industriels où l’Europe avait une avance sur les autres.
Cela dit, les constructeurs automobiles ne vont pas changer leurs plans, leur horizon d’investissement est à long terme, mais cela montre une fois de plus qu’entre ce que légifèrent les politiques et la réalité, il y a souvent un divorce que nous payons cash. Il ne faut pas être Nostradamus pour comprendre que l’interdiction faite par certaines grandes villes d’interdire l’entrée de certains véhicules thermiques est une bombe sociale qui frappe les plus démunis d’entre nous. Il ne faut pas être devin non plus pour se rendre compte que de forcer les propriétaires de logement avec un PEB de G ou de F à passer rapidement vers des lettres plus convenables est aussi une bombe sociale à retardement. Pourra-t-on accepter que 20 ou 30% du parc de logement ne sera plus louable parce qu’il ne sera plus conforme aux nouvelles normes thermiques ? Tout ça montre que le politique légifère toujours sur le coup de l’émotion et sans étude d’impact. L’idée, c’est de tweeter les premiers, d’être présents sur les réseaux sociaux, jouer sur l’émotion et puis on passe à autre chose. C’est une graver erreur.
Tout comme ce serait aussi une grave erreur de revenir en arrière dans notre volonté de décarboner notre vieux continent. Comme le faisait remarquer Jean-Marc Daniel, un économiste pourtant libéral, l’Inde a connu son mois de février le plus chaud depuis que les statistiques météo existent c.-à-d. depuis 1901. Si on ne fait rien, l’Inde ne sera pas comment nourrir sa population (la première du monde avant la Chine), sans oublier le Bangladesh qui risque d’être rayé de la carte. Donc, Jean-Marc Daniel a raison de mettre en balance les centaines de milliers d’emplois possiblement détruits par l’Europe si ce texte interdisant les voitures thermiques en 2035 devait finalement passer, et puis le sauvetage de la planète. Il n’y a pas photo entre les deux, la planète prime sans aucune discussion. Mais encore une fois, ce débat n’est pas prêt de se terminer et les politiques sont coresponsables. Ils légifèrent sous le coup de l’émotion du public, mais pas sur le fond des choses. C’est l’un des drames de notre époque : l’émotion a remplacé la réflexion.
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