Amid Faljaoui
Fichez la paix aux salariés et laissez-les travailler sans les déconcentrer
Les congés servent parfois aussi à prendre du recul. Et comme l’écrit l’écrivain américain Ryan Holiday, « il faut parfois ralentir pour accélérer ».
En l’occurrence, j’avais envie de partager une lecture saine qui date déjà de quelques mois et sur laquelle je suis retombé ce week-end. C’était une chronique publiée chez mes confrères des Echos (France) et intitulée « laissez les salariés se concentrer ! » Avec le recul, je suis convaincu que cette injonction est plus que jamais d’actualité.
Regardez autour de vous, les entreprises, ou plutôt les directions de ces entreprises sont aux prises avec d’énormes changements. L’arrivée de l’intelligence artificielle n’est d’ailleurs que la dernière vague de ces changements, qui déboulent au sein des entreprises. Au milieu de ces changements permanents, les premiers perdus sont… les cadres, le middle management. Bref, ceux et celles qui sont supposés transmettre et mettre en place la vision de la « haute direction ». Le résultat ? À l’étage inférieur, cela se traduit souvent par un « trop-plein ». Mais un « trop-plein » de quoi ? Réponse ultra simple : « Trop plein d’emails, trop plein de réunions, trop plein de projets ».
Bien sûr, ce n’est pas nouveau, mais le numérique a aggravé les choses. Et le « hic », c’est que l’être humain finit par perdre le fil de ce qui est important ou pas. Reconnaissons-le, le middle management n’aide pas, car bien souvent, il n’est pas toujours armé lui-même pour prioriser les défis de l’entreprise. À nouveau, le résultat, c’est la surcharge émotionnelle reliée au trop-plein d’informations – parfois contradictoires – et qui fait perdre le sens du travail à une bonne partie des employés.
Notre cerveau est fabriqué de sorte à réagir en priorité aux mots « urgents » ou à des pastilles de couleur qui s’affichent sur notre smartphone. Normal, au fil de notre évolution, comme l’indiquent les auteurs de cette tribune, nous nous sommes habitués à détecter les nouveautés dans notre environnement. En mettant en place des systèmes d’information partagés (Slack) entre les employés, en favorisant la circulation de ces informations en mode direct, on se dit que c’est une bonne chose, que cela va fluidifier l’information, la rendre plus transparente, mais en réalité, comme personne – ni le cadre ni l’employé – n’a été formé pour prioriser et savoir faire le tri entre les infos vraiment importantes et celles qui se font passer pour importantes, les employés sont occupés sur les mauvais dossiers, les dossiers non prioritaires.
Au fond, ces instruments de circulation de l’information en mode direct reviennent à donner les clés de la confiserie à un enfant. De fait, comment demander aux employés de rester concentrés sur ce qui fait l’essence même de leur boulot lorsque le management – habité par les meilleures intentions – perturbe l’environnement de l’employé avec des sollicitations et des urgences permanentes ?
De plus, notre besoin de reconnaissance sociale nous pousse à prioriser des réponses rapides dans l’objectif d’être apprécié au sein du groupe, et ce même défaut psychologique nous pousse aussi à accepter des réunions sans nous poser la question de leur utilité et, in fine, c’est également ce même biais psychologique qui nous incite souvent à garder tout le monde dans la boucle de l’email.
Au final, la moralité de cet édito va à l’encontre de ce qui se fait aujourd’hui dans de nombreuses entreprises : en mettant sur un piédestal le multitasking et l’ultra réactivité, le management fait le choix – sans le savoir – du court terme sur le long terme. Le multitasking n’est rien d’autre que la forme moderne qui consistait autrefois à courir deux lièvres à la fois, course qui comme vous le savez n’est qu’une occasion de rater plusieurs choses à la fois. Quant à l’urgence, elle revient à donner une préférence aux récompenses immédiates au détriment des récompenses différées. N’oublions jamais qu’un objet éloigné paraît toujours plus petit. C’est notre façon instinctive ou animale de dévaluer ce qui est distant.
En conclusion, il faudrait comme l’écrivent les auteurs de cette tribune iconoclaste, « laisser les salariés se concentrer davantage ». Modestement, j’ajouterai même qu’il faudrait afficher partout dans l’entreprise, cette maxime : « Tant que je n’ai pas fait l’essentiel, tout le reste est une distraction ».
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