Philippe Ledent

Feu vert aux baisses de taux

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

Jackson Hole. Je vous écris chaque année au sujet de cette bourgade pittoresque du Wyoming. Mais ce n’est pas un hasard, car l’endroit abrite fin août l’événement le plus important de l’année en matière de politique monétaire.

Il réunit en effet la fine fleur du domaine, et surtout les décideurs les plus importants. En introduction de l’événement ou durant les conférences programmées, les discours qui y sont donnés fournissent souvent des indications cruciales sur le comportement des principales banques centrales dans les prochains mois et trimestres.

Compte tenu de la situation macroéconomique actuelle, des troubles sur les marchés financiers au début du mois d’août et du fait que la banque centrale américaine avait préféré ne rien faire lors de sa réunion de juin, les propos du président de la Fed, Jerome Powell, étaient particulièrement attendus. Et il n’a pas déçu ! Bien sur, il est revenu sur les éléments habituels concernant l’amélioration de l’inflation et l’accent mis sur l’emploi, mais il a surtout été aussi catégorique qu’il peut l’être en déclarant : “Le moment est venu pour la politique de s’ajuster. La direction à prendre est claire”.

Cette déclaration fait suite au compte-rendu de la réunion de juillet du comité de politique monétaire, publié quelques jours plus tôt, selon lequel “la grande majorité [des membres] a observé que, si les données continuaient de correspondre aux attentes, il serait probablement approprié d’assouplir la politique monétaire lors de la prochaine réunion”.

“Une chose est devenue plus claire : le mouvement de baisse de taux des principales banques centrale va s’amplifier dans les prochains mois.”

Par contre, Jerome Powell n’a logiquement pas précisé si le premier mouvement serait d’un quart ou d’un demi pour cent de baisse, puisque “le calendrier et le rythme des baisses de taux dépendront des données disponibles, de l’évolution des perspectives et de l’équilibre des risques”. Néanmoins, il a fait allusion au fait que les taux pourraient être fortement réduits si les conditions le justifiaient : “Le niveau actuel de notre taux directeur nous donne une large marge de manœuvre pour répondre aux risques auxquels nous pourrions être confrontés, y compris le risque d’un nouvel affaiblissement indésirable des conditions sur le marché du travail”.

Les marchés financiers ont en tout cas bien compris le message. Ils attribuent actuellement une probabilité de 63,5% à une baisse de taux d’un quart de pour cent lors de la réunion de septembre (et 36,5% à une baisse d’un demi pour cent). Et si l’on regarde un peu plus loin dans le temps, les marchés anticipent déjà une baisse cumulée de 100 points de base (donc 1%) d’ici la fin de l’année avec une probabilité de près de 80%. Mais attention, on a aussi vu que les marchés financiers sont très nerveux en ce moment, et leurs convictions peuvent rapidement évoluer en fonction des données publiées. Que ce soit en matière d’inflation ou du marché du travail, il n’en faudrait pas beaucoup pour encore changer la donne.

En conclusion, une chose est devenue plus claire : le mouvement de baisse de taux des principales banques centrales va s’amplifier dans les prochains mois. Au passage, on notera que l’évolution des données semble donner raison à la Banque centrale européenne, qui avait décidé de déjà baisser ses taux en juin. Malheureusement, si les pressions inflationnistes s’écartent, que l’inflation se normalise et que le feu vert est donné aux banques centrales pour baisser leurs taux, c’est aussi parce que les performances économiques les plus récentes sont globalement décevantes. Cela préoccupe évidemment les banquiers centraux, mais cela devrait surtout préoccuper les gouvernements, et particulièrement dans la zone euro. La faiblesse de l’industrie est devenue le problème conjoncturel majeur, devant le risque d’inflation.

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